P.I.P.C.F. (2e partie)
Voici, comme promis, la 2e partie de mon PIPCF Projet d’introduction du poker dans les casinos français que j’avais publié dans ma rubrique « Poker Tips » du trimestriel Turf & Casinos Magazine, n°20, de juin 1994... il y a bientôt 15 balais !
Je voulais que le projet fût concret, et non une vision de l’esprit d’un vulgaire amateur de poker qui a eu l’idée de mettre ce jeu dans les casinos un soir avec des camarades de beuverie. A cette époque, j’avais déjà publié 6 livres (Le Poker, 1984, Les Jeux de casino, 1987, Blackjack Gagnant, 1992, Poker Gagnant 1 & 2, 1992/1993, et Blackjack Structure, 1993) et je pensais avoir l’autorité suffisante pour être entendu… :o)))))
Dans la première partie de l’article publiée ici même il y a quelques jours, j’en étais arrivé à la conclusion que le Texas hold’em était le poker le plus adapté à l’exploitation en casinos (l’autorité de tutelle ma donné raison treize ans plus tard). Voici la suite...
LES MODALITÉS
• taux de prélèvement : 5% sur chaque pot (cagnotte).
• nombre minimum de joueurs par table : 3; maximum : 9.
• rotation : dans le sens des aiguilles d’une montre.
• personnel par table : 1 croupier + 1 chef de table.
• table identique à celle du chemin de fer;
• jeu de 52 cartes avec figures américaines et index aux coins; les meilleures sont les cartes américaines de style “Bee” ou “Bicycle”; par précaution, on peut utiliser des cartes en PVC qui évitent les éventuels marquages à l’ongle (les cartes du Championnat d’Europe sont en PVC; dans le commerce, voir les Kem ou les Dal Negro);
• jetons de style américains, proches de ceux de roulette anglaise; les jetons classiques suffisent, évidemment.
• nombre de relances : à chaque tour d’enchères, l’ouverture peut être relancée 3 fois maximum.
• pot : avant la donne, chaque joueur mise un “chip” (valeur : 10FF minimum).
• formation du personnel : on n’a que l’embarras du choix, avec les tables qui “tournent” déjà à Londres, Amsterdam, Vienne, Baden-Baden... Des experts américains ont également des programmes de formation rapide très au point, y compris en cassettes vidéo.
• structure des enchères (“split-limit”). Plafond des relances :
- 1er tour : 1 unité;
- 2e tour (après le flop) : 2 unités;
- 3e et 4e tours : 4 unités.
Une telle structure, c’est ce que l’on appelle le “1-2-4”. Le montant de l’unité est à définir. C’est ce montant qui fixe la “cherté” de la table.
STRUCTURE DU COUP ET EXEMPLE
Suivant cette structure, et sachant que le coup reste valide même si tous les joueurs disent “parole” à chaque tour, le pot final sera égal à :
- 9 chips si aucune ouverture n’est enregistrée; la victoire se fait alors aux cartes; un tel cas signifierait qu’aucun joueur ne penserait avoir l’avantage en cartes, ce qui est impossible à 99,99%;
- 346 unités plus 90 FF, soit 17.390 FF avec l’unité à 50 FF. Ce cas serait également rarissime car cela voudrait dire que chaque joueur possède un jeu exceptionnel.
Le coup-type suit à peu près le scénario suivant :
- pot : 8 x 10 FF = 80 FF;
- 1er tour : 1 ouvreur et 3 suiveurs = 4 unités;
- 2e tour (flop) : 1 ouvreur, 1 relanceur, 1 suiveur = 12 unités;
- 3e tour : 1 ouvreur et 1 relanceur = 16 unités;
- 4e tour : 1 ouvreur et 1 suiveur = 8 unités.
Total : 40 unités + 90 FF, soit 2.090 FF avec l’unité à 50 FF.
Prélèvement sur ce coup : 104,50 FF (arrondi à 100 FF).
Si la table travaille à 20 coups par heure, ce qui n’est ni rapide ni lent, le revenu horaire qu’elle procure à l’exploitant est de 2.000 FF. Un revenu régulier et sans risque. Si l’unité est portée à 100 FF, elle rapporte 4.000 FF horaires, etc.
Quant aux pourboires, ils sont proportionnels à la taille des “pots”. Plus les joueurs en place sont “accrocheurs”, plus ils paient, plus les pots sont gros et plus le gagnant du pot est enclin à récompenser l’employé. C’est simple.
J’ajoute enfin que, pour le joueur, un prélèvement de 5% n’est pas énorme. Il le compense par une réussite supérieure de 5% à son adversaire moyen. Attention : au-delà de 5%, le prélèvement est rédhibitoire et fait fuir le client.
Dans l’exemple précédent, le pot final se subdivise en 3 parts :
- prélèvement : 100 FF;
- investissement du joueur : 560 FF;
- bénéfice net : 1430 FF.
QUE FAIT-ON MAINTENANT ?
C’est clair : sur les bases décrites plus haut, il est possible de proposer le poker aux autorités de tutelle pour qu’une loi soit votée, suivie de son décret d’application. Cette loi peut bien sûr comporter d’autres jeux que le poker - tant mieux même. Mais franchement, je m’en voudrais beaucoup qu’un décret paraisse autorisant de nouveaux jeux sauf le poker.
Si tel devait être le cas, je continuerais à inciter mes amis, mes lecteurs, les amis de mes amis, à pratiquer le poker (et les autres jeux) dans les casinos allemands, autrichiens, anglais. Ce serait une piètre consolation...
PIETRE CONSOLATION
Albert Golmeier, aujourd’hui patron du “Casino 2000” du Luxembourg, est un ancien croupier de poker (cf. article sur le Tournoi International de Blackjack). Il a officié pendant de nombreuses années dans le Swaziland (Afrique du Sud) au stud à 5 cartes (cousin du “Texas hold’em”). Chaque année depuis 1985, il présente, lors du rapport annuel à son autorité de tutelle, un dossier complet en vue de l’introduction du poker dans son établissement.
Arguant du fait qu’il faut pour cela changer la loi (même argument qu’en France, preuve de laxisme), ses illustres interlocuteurs font la sourde oreille. Pourtant, le dossier est parfaitement instruit : création d’emplois nouveaux, nouveaux profits, nouvelle clientèle (à commencer par les Français), etc. Rien n’y fait ! Albert garde espoir : inlassablement, il remet son dossier à jour chaque année. Il SAIT quil finira par être entendu. Il est d’ailleurs assuré de mon soutien sans condition au cas où l’idée lui viendrait d’accueillir dans ses murs le Championnat de France, suspendu drastiquement pour 1994.
Pendant ce temps-là, Anglais, Allemands, Néerlandais et Autrichiens font salle (de poker) pleine ! Ils accumulent une expérience dans l’exploitation qu’ils auront beau jeu de nous revendre ensuite...
L’ESPOIR RENAÎT
Permettez que je lève mon verre pétillant à trois casinotiers : MM. Delmas (Le Boulou), Giauna (Deauville) et Partouche (Antibes). Les deux premiers parce qu’ils ont organisé des tournois de poker - à petite échelle certes, mais la loi ne leur donne pas le choix; c’est un premier pas qui promet pour l’avenir. Le troisième parce que c’est l’un des rares à utiliser dans son établissement des jetons de type américain; l’homme entend mener sa guerre personnelle pour que le “Roi des jeux” (devinez lequel) soit enfin autorisé dans les casinos. Bienvenue au club !
J’ai d’ores et déjà une suggestion pour les casinotiers en mal d’originalité : organiser un tournoi de poker dont les droits d’entrée seront entièrement reversés à la recherche contre le sida ou le cancer. En règle générale, le vecteur humanitaire ou caritatif permet d’obtenir les dérogations les plus inattendues, le soutien des élus locaux et la considération de la population...
Toutes les idées sont les bienvenues tant qu’elles vont dans le sens de l’introduction finale du poker, notre jeu, dans les casinos français. N’hésitez pas à nous envoyer les vôtres.
Qu’on se le dise et répète !
François Montmirel
La maxime du trimestre “Le poker est un jeu magique de sentiments entre les joueurs qui le pratiquent.” Sergio Gobbi, à l’occasion de la sortie de son film “L’Affaire” (interview sur TFI, le 08/04/1994).
|
----------------
Voilà ! Cette fois, c'est le François Montmirel 2008 qui revient... Le regard que je porte sur ce texte est mitigé... Mais encore une fois, tant de larmes de joueurs battus par des bad beats sont passées sous les ponts depuis, qu'évidemment, la réalité a eu le temps de changer... C'est un peu comme si vous regardiez votre copine 15 ans après l'avoir troussée la première fois... D'année en année, le changement est progressif et on ne le sent quasiment pas... Mais quand on compare les deux bouts du spectre, vingt dieux ! On n'y croit pas...
On remarque en tout cas que je préconisais un poker à limites fixes ("limit"), cela dans le seul but de permettre au plus grand nombre d'y accéder, comme je l'avais moi-même observé en Autriche, qui avait démarré le cash et les tournois en 1990. Souvenons-nous qu'à l'époque, seuls quelques privilégiés d'outre-Atlantique s'étripaient au no-limit (si l'on excepte les parties privées de poker fermé européennes), et à des hauteurs franchement rédhibitoires. D'ailleurs rares étaient les casinos qui offraient des tables régulières de no-limit. Ils les ouvraient pour de gros clients et pendant les quinzaines internationales de tournois...
D'ailleurs même en France, les tables de cash en no-limit ne sont pas apparues en 1995, année de l'ouverture du poker à l'ACF : il n'y avait que du pot-limit à l'époque (info sans aucun doute, vu que j'y jouais moi-même toutes les semaines !). Les premières tables de no-limit régulières ne se sont ouvertes qu'en 2004, année de l'arrivée du poker sur Canal+. Donc récemment, si l'on peut dire.