WSOP 2009, acte poker 1
Ici, je veux bien sûr parler de MES WSOP perso, ce post n’étant pas un article d’info poker générale. Mais j’espère bien vous donner quelques infos au passage, que vous ne trouverez nulle par ailleurs.
Vendredi 29 mai au soir, donc, arrivée à McCarran Airport sous un ciel nuageux – eh oui, comme quoi tout arrive à Vegas. Les fidèles de ce blog se souviennent que l’an dernier, j’ai vu Vegas sous la pluie pendant deux jours ! En plein mois de juin ! Pour d'autres infos sur Las Vegas, voir mes posts des années précédentes : ICI, ICI et LA, mais aussi LA.
Bref, comme d’habitude l’atmosphère dingo de la ville s’empare de moi, et malgré mes 9 heures de décalage horaire (je n’ai quasiment pas dormi dans l’avion), je n’ai absolument pas envie d'aller au lit. Je veux raser une table de poker. Mister Gillette 3 lames, qu’on m’appelle !
Bon allez, finalement je me fais violence, je me dis que ce n’est pas raisonnable, alors je vais direct à mon hôtel, un petit en plein centre, en face du Caesar’s, le Bill’s. Je suis à 10 minutes à pied du Rio, LE lieu de pélerinage de tous les pokermen du monde en ces 5 semaines saintes. Où quelques-uns sont canonisés quand d'autres (nettement plus nombreux) ont droit à l'extrême-onction. Amène, gars.
Dès le lendemain je retrouve mes collègues de l’EFP, LeScribe, Matador & Eric qui, eux, repartent le lendemain pour la France. Pour fêter ça, nous nous inscrivons à un $200+10 au Binion’s, car le casino historique des WSOP organise toujours une série de tournois pendant les WSOP - et les mauvaises langues diront qu’il n’y a pas que du hasard là-dessous...
Sur 250 inscrits et 20 places payées, je termine 26e au bout de 7h de combat (y compris les pauses). Bon, tant pis, on fera mieux plus tard, et pour me consoler j’empoche le last longer qu’on avait fait entre nous, puisque c’est moi qui ai tenu le plus longtemps dans l’épreuve.
Après ce tournoi, je file au Wynn où, paraît-il, les cash games sont d’enfer.
L'an dernier je n'avais pas eu le temps de tester. Alors là, cher lecteur, baise-moi les mains et lèche-moi les pieds, car je te donne un tuyau d’enfer : OUI, mille fois oui, les cash games du Wynn, c’est de la balle. En tout cas quand j’y suis passé. Rappelons que le Wynn est le casino le plus classieux de Vegas, on tombe sur les genoux à chaque couloir, même si certains lui préfèrent le Bellagio ou le Caesar's. La poker room du Wynn, c'est quand même 27 tables et une organisation huilée, très pro. Mais attention, nous étions samedi soir pendant les WSOP, donc je soupçonne des touristes friqués d’être venus le week-end craquer quelques dollars dans la joie et dans la bonne humeur.
Après un quart d'heure d'attente, je me suis assis à une table $2-$5 THNL pour m’échauffer, cave à $500 pour moi, et quand j’ai vu que la moitié des joueurs se cavaient à $200 ou $300, j’ai compris qu’il y aurait du grain à moudre. En langage pokérien : du fish. C’est simple : sur les 9 joueurs, 3 étaient d’un bon niveau et les 6 autres étaient… de niveaux hétéroclites, disons. De la joueuse serrée à mort au relanceur rigolard qui joue tous ses tirages pour le fun, la palette était large dans cette population qui ignore tout des cotes.
Bref, au bout de 4 heures d'un jeu divertissant, retour à minuit vers mon hôtel après une soirée gagnante.
Sur le chemin du retour, dans une pénombre chauffée à 30 degrés centigrade, c’est la fête sur ce trottoir qui fait 2 km (entre le Wynn et le Bill’s). Ceux qui prétendent que la prostitution est prohibée à Vegas ne lèvent jamais le nez de leurs manuels de droit. Qu’ils viennent voir devant l’Imperial Palace ou le Venetian pendant les grands soirs, et jamais ils verront autant de types seuls s'emballer une inconnue aussi vite. Les filles immobiles qui vous font des sourires jusqu’aux oreilles, le décolleté ouvert jusqu’au nombril, tenant un verre rempli à ras bord, font florès. Et je soupçonne la plupart de ne pas être des pros, mais plutôt des étudiantes.
J’en terminerai sur le sujet en rappelant que c’est aussi un sport assez répandu à l’intérieur des casinos. Sur le coup d’onze heures du soir, baladez-vous entre les allées de machines à sous, et vous les verrez ces Amazones de la nuit, là encore avec leur sourire discret et leur discussion avenante. Je n’ai pas enquêté, mais ceux qui caressent le projet de le faire peuvent se rendre au sein de ces établissements en suivant mes pistes. Comme quoi il n'est pas nécessaire de pointer un nez fiévreux dans les gentlemen’s clubs qui sont légion (étrangère) à Vegas. Même si, reconnaissons-le, le détour vaille la peine, pour le folklore du « lap dance », qui dégénère toujours si tant est qu’on en paie le prix : $20 la chanson, $100 les 6 chansons enchaînées dans une alcôve où la danseuse fait un peu plus que frôler le client, et $400 le service complet hyper discret, à un autre endroit. Moi je n'ai rien contre, au contraire, c'est la loi de Las Vegas qui est contre, tout contre, comme disait Guitry.
Dimanche, je me suis réservé pour amortir le jet lag. Je vous conseille le jogging à 6h du mat, suivi d’une douche fraîche à l’hôtel. Et si vous êtes bonne danseuse, je vous emmène juste après au Paris Hotel & Casino, en face du Bellagio, dans la rue couverte principale qui ressemble à s'y méprendre à une rue du Paris d’autrefois au crépuscule, pour y valser et prendre notre petit déjeuner, de préférence à la boutique de Lenôtre. Leur chocolat est excellent, en tout cas meilleur que ce qu’ils osent appeler « hot chocolate » dans les casinos d'ici, qui tient plus de la crème diluée qu’autre chose.
Après-midi, je mets de l’ordre dans mes affaires, je m’inscris au WSOP $1.500 PLO du lendemain et je prends une salade avec les copains de l’EFP, plus Cédric, un habitué de l’ACF de Paris qui dispute un $330 au Caesars. Il est accompagnée de Julia, donneuse bien connue du circuit francais. Tiens oui, le Caesars aussi fait une série de tournois. Quelle coïncidence, hein ?
En savoir plus sur ces énergumènes
Cette année, la mode est double :
- les tournois sont presque tous « Deep Stack », et l’argument est largement développé dans les brochures. Au Caesar's, on vous donne dans certains tournois 12.000 de stack de départ en commençant à 25-50… et sans antes ensuite !
- une lubie un peu curieuse qui se voit dans plusieurs casinos, y compris le Binion’s : le bonus buy chips, qui est un ajout de $10 et qui vous donne 2.000 jetons de plus… octroyés dès le départ. Inutile de dire que tout le monde le prend.
Après avoir serré la louche aux gars de l’EFP pour leur dire adieu, et les avoir félicité pour leurs perfs, je m’embarque pour le Venetian, là encore un des hauts lieux du poker de Vegas. Et une fois de plus, série de tournois en court, au point que le card-room déborde sur 3 fois sa surface d’origine. Très belle salle dernier cri, où les donneurs peuvent même gérer sur un petit écran incrusté devant eux les places libres à leur table.
Là aussi j’opte pour une table $2-$5, dans un vacarme effroyable et avec des joueurs qui s’invectivent sans cesse. Un véritable enfer. En un quart d’heure j’ai compris que les proportions sont inversées par rapport à la session de la veille : sur les 9 protagonistes, 6 sont aguerris et 3 sont (à peu près) des fish. Mais j’aime relever des défis et je décide de rester. Mal m’en prend, car après un bead beat je dois recaver. Et je rame, je rame, je jette mes mains. Deux joueurs ont des tapis colossaux sur cette table, supérieurs à $5.000, et envoient le paquet préflop avec des mains plus qu’inattendues. A-6 leur suffit pour relancer à $45, par exemple, soit 9 fois le surblind. Pour ma part, j’adopte ma stratégie du piège : j’entre avec des mains connectées de type 8-7 assorties ou non, ou des petites paires, histoire d’accrocher de bons flops.
Malgré le déchet énorme, trois flops vont me donner raison, sur les mains 4-4, 10-10 et K-J à trèfle. Je flope brelan avec les deux premières, et pour la troisième, je fais tirage à couleur. L’adversaire checke, je checke aussi, la turn ne me donne rien, il envoie son tapis, et je calcule ma cote sachant que j’ai un tapis égal à 3 fois le sien. J’ai tout juste la cote pour entrer, alors je paie, et je touche le 9 de trèfle à la dernière. Du coup je passe pour un cutard et je ne me prive pas d’exploiter cette image. Je vais pouvoir ainsi rectifier le cap et renverser la vapeur pour les deux heures suivantes. Là encore, je ressors gagnant de cette session, mais moins que la veille.
Lundi 1er juin, donc hier, j’avais cours à midi, dans le grand amphi Amazon du Rio, et croyez-moi j’avais bien révisé mes leçons d’Omaha pot-limit, un jeu que j’adore depuis que je l’ai découvert au début des années 1990. Pascal Perrault et moi faisions à peu près tous les tournois de PLO de l’ACF des années d’or, 1995-1997 en gros.
Si je dois donner un seul conseil en tournoi de PLO, c’est d’être hyper-sélectif dans ses mains, ne pas hésiter à jeter des mains qui jouent sur 3 pieds au lieu de 4 (où une carte est inutile sur les 4). C’est ce que j’ai appliqué ici.
810 participants pour ce beau tournoi WSOP n°5, avec comme toujours une organisation au poil… même si certains croupiers avaient des problèmes avec les calculs des enchères max, comme on le voit souvent en pot-limit. Des niveaux d’une heure, donc inutile de se presser. J’ai joué d’abord à la table n°41 de Roland de Wolfe, Anglais très sympa et joueur vedette, agressif juste comme il faut. J’ai doublé contre lui au 3e niveau lorsque, ayant lutté vaille que vaille contre une insuffisance criante de cartes, j’ai poussé le tapis préflop avec
alors qu'il m'avait relancé avec
qui est aussi une très bonne main... mais moins bonne que la mienne !
Ce tournoi était un "triple chance" bien que cela n'était pas prévu. En clair, vous aviez 2.000 au départ (vous avez bien lu : 2.000 pour des blinds 25-50 !), plus 2 jetons spéciaux qui valaient chacun 1.500 et que l'on pouvait transformer en jetons de tournoi pendant les trois premières heures de jeu. Avant de changer tout de suite mes jetons, j’ai voulu voir ce que faisaient mes adversaires. Seuls trois les ont tout de suite utilisés. J’ai improvisé une tactique, qui a été de n’en utiliser qu’un seul tout de suite, l’autre étant une poire pour la soif si jamais je me faisais ratisser mes jetons sur un bad beat.
Et c’est ce qui est arrivé finalement. Touchant brelan d’As au flop, j'envoie le tapis et mon adversaire paie avec double tirage quinte+couleur. Il termine couleur et je ne fais pas full. C’est ce qui m’a obligé à continuer le tournoi avec 1.500 dès le 2e niveau de blinds ! Le fait de ne pas être le seul n’est pas une consolation. C’est juste frustrant.
Ensuite mon tapis a joué au yoyo mais sans jamais dépasser les 5.000. En fait, j’ai eu quelques bonnes mains mais sans floper du lourd, ou si c’était le cas, je n’étais pas payé.
J'ai été déménagé ensuite à la table d’Andrew Black, qui a remplacé son bouc par une barbe fournie mode fondamentaliste, un vrai gourou ! A un moment donné, je recois la main
A cet instant, nous sommes au 4e niveau, le 100-200, et j’ai un tapis minable de 2.000 quand deux adversaires ont plus de 30.000, pour une moyenne générale de 15.000 ! Bref, n’ayant ensuite aucune latitude pour bien défendre cette main, je décide de passer.
Trois joueurs s’engagent et voient le flop
J'aurais eu full, je suis vert ! En plus, une bataille s’engage entre trois joueurs, puis l’abattage a lieu, et c’est Andrew Black qui le gagne avec… 9-9 en main ! Là-dessus, un des protagonistes proteste et explique qu’il avait un 3 dans sa main, ce qui lui faisait brelan (et non pas full, attention, on est en Omaha !). Mais trop tard, ses cartes ont disparu dans le « muck ». C’est un peu rageant sur le coup de me dire que j’aurais pu voir ce flop pour 10% de mon tapis et que je l’aurais sans doute triplé… Mais j’ai passé l’âge des regrets infantiles.
Trois coups plus tard, je recois la main
et j’envoie le pot, soit 1.050, relance maximum. Un adversaire me sur-relance au max, et tout le monde passe. Je me doute bien qu’il a paire d’As en main, ou éventuellement une main de type T-J-Q-K, surpuissante aussi. Mais avec mes deux paires, j'ai 2 chances de floper brelan alors que lui n'en a probablement qu'une seule au mieux... C'est pourquoi je paie à tapis. De toute façon je n'ai qu'à peine 1.000 de jetons devant moi, et en relançant au max préflop c'était clairement pour aller à tapis en cas de sur-relance adverse.
L’adversaire abat
mais le tableau n’apporte que des petites cartes et je suis éliminé en 333e position.
L’an dernier, j’ai perdu mes deux tournois à peu près au tiers du field, cette fois je commence en perdant aux deux tiers. C’est mieux mais ce n’est pas encore ça. Bref, un tournoi un peu frustrant au final, mais intéressant à gérer, avec un rapport qualité-prix imbattable : $250K au premier, 81 joueurs payés, beaucoup d’adversaires très bons avec lesquels ont partage du vrai poker, dans La Mecque du poker mondial, pour seulement $1.500, soit à peine plus de 1.100 euros.
En sortant du Rio, je mets le cap vers le Caesar’s, pour y faire une troisième session de cash. Cet établissement est probablement le plus grand de Las Vegas maintenant, avec ses deux casinos, sa piscine-thermes avec les cyprès, ses galeries marchandes d’articles de luxe, ses boîtes de nuit, ses salles de spectacles… ses deux nouvelles tours dont la construction s’achève en ce moment… et bien sûr sa poker-room de 64 tables. La liste d’attente pour la table $2-$5 rivalise avec un discours soviétique, par contre je vois qu’il y a une place libre à la table $5-$10. J’y vais sur place pour sentir l’ambiance, et elle me convient, même si un joueur a un tapis de $5.000 et un autre de $4.000, les autres tournent autour de $800. Je me cave à $1.200 (il faut dire que je n’ai pas plus sur moi) et je m’installe.
Première main : les As noirs. Je suis en milieu de parole et je viens de donner mes billets de $100 à un floor qui est parti me les changer en jetons. Donc à ce moment-là, je n'ai pas de jetons devant moi. A ma droite un joueur relance à $40, un autre suit. Je sur-relance à $150. Le bouton envoie son tapis de $950. Les deux autres passent, et évidemment j’envoie mon tapis, en espérant qu’il a K-K. Le flop donne
et l’adversaire abat A-K dont l’As de cœur. Pan dans les dents, je me retrouve avec un peu plus de $200, à une table où le tapis moyen est de l’ordre de $2.000 et le tapis max à $5.000… et je ne peux plus recaver !
Dans ces conditions, je devrais rentrer et aller au gentlemens club pour me changer les idées, mais vous connaissez Montmirel, c’est un accrocheur qui n’hésite pas à faire le contraire de ce qu’il dit quand il pense que c’est utile ! Bref, j’envisage d’envoyer le tapis sur une relance adverse avec une main spéculative, plusieurs fois s’il le faut, afin de doubler deux fois de suite et de revenir à $1.200. Rude tâche il est vrai, mais cette fois les dieux du poker m’ont favorisé. Ca commence avec 4-4 qui flope le 4 et l’adversaire trouve deux paires. Je double. Un peu plus tard, je fais quinte à la turn avec une main improbable au départ : 8-6 à trèfle, contre un joueur qui avait brelan au flop et l’a sous-joué (j’adore ce type d'erreurs).
Remarquez que j’en ai commis une moi aussi : j’ai 5-4 à cœur, et je vois le flop A-5-2 contre deux adversaires. Check partout. La turn : un 3 qui me donne quinte. Comme je suis premier à parler, je préfère laisser attaquer au risque d’avoir une deuxième check, mais je soupçonne un joueur de bluffer ce coup. Pourtant il n’en est rien, c’est encore un check complet. Enfin arrive la river : un 4, qui donne la quinte au tableau. Inutile d’envoyer puisque je vais être payé (je pourrais le faire si j’avais un 6 voire 6-7 en main pour simuler un arrachage), donc dégoûté, je checke, et nous récupérons chacun nos jetons.
C’est une erreur si l’on veut : si c’était à refaire, je pense que je le referais parce que je veux laisser l’adversaire toucher une carte haute qui l'arrange et le laisser ouvrir pour prendre le pot. Ici j'ai un petit tapis et je dois doubler, c'est ça ma mission. Mon plan est soit de le relancer au double après, ce qui le pousse à payer, soit d’envoyer mon tapis pour qu’il soupçonne un arrachage de ma part. Je ne compte pas les gros pots que j’ai gagnés de cette manière, mais attention, cette tactique convient mieux en cash-game qu’en tournoi.
Bref, après bien des péripéties (car je n’ai pas fait que gagner des coups), je rejoins les $1.000. La table est sympa, 4 joueurs sont des fish, disons-le, et l’habit ne fait pas le moine : le sosie de Men Nguyen peut en fait cacher un joueur de punto-banco de passage au card room pour se donner des émotions fortes. Et ce type qui pourrait être le frère de Phil Ivey ? Observez-le bien et vous verrez que malgré sa stature de boxeur, il ne joue qu’un coup par tour, timidement, et refuse de se caver au-delà de 30 fois la grosse blind ! Pardon de ne pas en dire plus sur le cash-game, tous les secrets sont dans Poker Cash 1 et Poker Cash 2 de Dan Harrington.
Puis arrive un coup énorme que j'ai détaillé dans le forum de l'EFP, ICI.
Un peu plus tard, c’est à mon tour de relever le gant. Il faut dire que depuis ce coup démentiel la table s’est échauffée, une grosse joueuse est arrivée (je veux dire qu’elle flambe un peu, mais il est vrai aussi que son tour de poitrine impressionne, et elle le sait, et elle a raison de le savoir), un autre joueur aussi que je sais hyper-agressif. Le jeu devient très animé d’autant qu’il y a des cartes, y compris pour moi.
Je recois alors une de mes mains préférées : 4-3 assorties à carreau, au bouton. Trois joueurs suivent le surblind à 10, et le surblindeur relance à 50. Les autres passent, et je suis. Vous allez m’objecter que c’est idiot, car je n’ai pas de cote, mais je réponds que j'ai en fait une cote implicite colossale. C’est sur ces coups que j’ai encaissés mes plus gros pots car l’adversaire ne vous voit pas sur ce genre de mains. Par principe, je les joue souvent, or ici le relanceur est un « ABC-player », un joueur avec de bonnes bases mais lisible, trop mécanique. Je sais qu’il a probablement A-K, A-Q ou A-J, ou encore A-A, K-K ou Q-Q. Mais comme on sait, ces 6 mains représentent en tout 66 cas, dont 48 non-paires, soit presque les deux tiers de mains fragiles.
Nous sommes trois à voir ce flop car le petit blindeur paie aussi :
Je sais, vous allez me dire que j’ai de la chance, et c’est sûrement vrai en l’occurrence, mais je vous répondrai que je vais toujours chercher cette chance avec la force du poignet, car pour un cas comme celui-là, je fais 10 coups d’épée dans l’eau qui, s'ils ne me rapportent rien, ne me coûtent pas cher non plus.
Le bouton ne fait ni une ni deux : il envoie le tapis, soit $520. Là j’ai tout le loisir de réfléchir tranquillement, et cela me prend deux bonnes minutes. Je ne le vois aucunement sur un brelan ni deux paires, c’est contraire à ses habitudes de relancer préflop avec une petite paire. Cela élimine du même coup le tirage à quinte avec 5-5 en main, et A-5 aussi d’ailleurs. Restent donc les mains premium que j’ai citées, et je penche au pire pour A-K à pique, qui lui donne à la fois tirage à couleur et deux overcards.
Vous l’avez deviné, je paie. Le petit blindeur passe, puis le tableau final est :
Quand je vois le tableau, où seule la Dame me pose problème, je me dis que j’ai mes chances. Il retourne immédiatement sa main : A-K à pique, exactement celle que je pensais. Ce pot me propulse, et non seulement il me fait récupérer cet argent perdu à cause de cette satanée paire d’As battue, mais il me donne un confortable bénéfice en seulement trois heures de jeu. Une demi-heure après, je sors du Caesars, l’âme en paix, le cœur léger et le portefeuille plus épais. Ces trois premières sessions de cash positives me financent mon premier tournoi WSOP. Voilà le poker comme je l’aime…
Je remettrai ça mercredi avec le tournoi WSOP n°10, un Hold'em/Omaha pot-limit à $2.500, qui commencera cette fois à 17h. J'ai tiré la place 6, table 201. J'en prévois ensuite deux autres, et retour au bercail le 12/06.
Vendredi 29 mai au soir, donc, arrivée à McCarran Airport sous un ciel nuageux – eh oui, comme quoi tout arrive à Vegas. Les fidèles de ce blog se souviennent que l’an dernier, j’ai vu Vegas sous la pluie pendant deux jours ! En plein mois de juin ! Pour d'autres infos sur Las Vegas, voir mes posts des années précédentes : ICI, ICI et LA, mais aussi LA.
Bref, comme d’habitude l’atmosphère dingo de la ville s’empare de moi, et malgré mes 9 heures de décalage horaire (je n’ai quasiment pas dormi dans l’avion), je n’ai absolument pas envie d'aller au lit. Je veux raser une table de poker. Mister Gillette 3 lames, qu’on m’appelle !
Bon allez, finalement je me fais violence, je me dis que ce n’est pas raisonnable, alors je vais direct à mon hôtel, un petit en plein centre, en face du Caesar’s, le Bill’s. Je suis à 10 minutes à pied du Rio, LE lieu de pélerinage de tous les pokermen du monde en ces 5 semaines saintes. Où quelques-uns sont canonisés quand d'autres (nettement plus nombreux) ont droit à l'extrême-onction. Amène, gars.
Dès le lendemain je retrouve mes collègues de l’EFP, LeScribe, Matador & Eric qui, eux, repartent le lendemain pour la France. Pour fêter ça, nous nous inscrivons à un $200+10 au Binion’s, car le casino historique des WSOP organise toujours une série de tournois pendant les WSOP - et les mauvaises langues diront qu’il n’y a pas que du hasard là-dessous...
Sur 250 inscrits et 20 places payées, je termine 26e au bout de 7h de combat (y compris les pauses). Bon, tant pis, on fera mieux plus tard, et pour me consoler j’empoche le last longer qu’on avait fait entre nous, puisque c’est moi qui ai tenu le plus longtemps dans l’épreuve.
Après ce tournoi, je file au Wynn où, paraît-il, les cash games sont d’enfer.
l'enseigne du Wynn, c'est le jour... | ... et la nuit |
L'an dernier je n'avais pas eu le temps de tester. Alors là, cher lecteur, baise-moi les mains et lèche-moi les pieds, car je te donne un tuyau d’enfer : OUI, mille fois oui, les cash games du Wynn, c’est de la balle. En tout cas quand j’y suis passé. Rappelons que le Wynn est le casino le plus classieux de Vegas, on tombe sur les genoux à chaque couloir, même si certains lui préfèrent le Bellagio ou le Caesar's. La poker room du Wynn, c'est quand même 27 tables et une organisation huilée, très pro. Mais attention, nous étions samedi soir pendant les WSOP, donc je soupçonne des touristes friqués d’être venus le week-end craquer quelques dollars dans la joie et dans la bonne humeur.
Après un quart d'heure d'attente, je me suis assis à une table $2-$5 THNL pour m’échauffer, cave à $500 pour moi, et quand j’ai vu que la moitié des joueurs se cavaient à $200 ou $300, j’ai compris qu’il y aurait du grain à moudre. En langage pokérien : du fish. C’est simple : sur les 9 joueurs, 3 étaient d’un bon niveau et les 6 autres étaient… de niveaux hétéroclites, disons. De la joueuse serrée à mort au relanceur rigolard qui joue tous ses tirages pour le fun, la palette était large dans cette population qui ignore tout des cotes.
Bref, au bout de 4 heures d'un jeu divertissant, retour à minuit vers mon hôtel après une soirée gagnante.
Sur le chemin du retour, dans une pénombre chauffée à 30 degrés centigrade, c’est la fête sur ce trottoir qui fait 2 km (entre le Wynn et le Bill’s). Ceux qui prétendent que la prostitution est prohibée à Vegas ne lèvent jamais le nez de leurs manuels de droit. Qu’ils viennent voir devant l’Imperial Palace ou le Venetian pendant les grands soirs, et jamais ils verront autant de types seuls s'emballer une inconnue aussi vite. Les filles immobiles qui vous font des sourires jusqu’aux oreilles, le décolleté ouvert jusqu’au nombril, tenant un verre rempli à ras bord, font florès. Et je soupçonne la plupart de ne pas être des pros, mais plutôt des étudiantes.
J’en terminerai sur le sujet en rappelant que c’est aussi un sport assez répandu à l’intérieur des casinos. Sur le coup d’onze heures du soir, baladez-vous entre les allées de machines à sous, et vous les verrez ces Amazones de la nuit, là encore avec leur sourire discret et leur discussion avenante. Je n’ai pas enquêté, mais ceux qui caressent le projet de le faire peuvent se rendre au sein de ces établissements en suivant mes pistes. Comme quoi il n'est pas nécessaire de pointer un nez fiévreux dans les gentlemen’s clubs qui sont légion (étrangère) à Vegas. Même si, reconnaissons-le, le détour vaille la peine, pour le folklore du « lap dance », qui dégénère toujours si tant est qu’on en paie le prix : $20 la chanson, $100 les 6 chansons enchaînées dans une alcôve où la danseuse fait un peu plus que frôler le client, et $400 le service complet hyper discret, à un autre endroit. Moi je n'ai rien contre, au contraire, c'est la loi de Las Vegas qui est contre, tout contre, comme disait Guitry.
Dimanche, je me suis réservé pour amortir le jet lag. Je vous conseille le jogging à 6h du mat, suivi d’une douche fraîche à l’hôtel. Et si vous êtes bonne danseuse, je vous emmène juste après au Paris Hotel & Casino, en face du Bellagio, dans la rue couverte principale qui ressemble à s'y méprendre à une rue du Paris d’autrefois au crépuscule, pour y valser et prendre notre petit déjeuner, de préférence à la boutique de Lenôtre. Leur chocolat est excellent, en tout cas meilleur que ce qu’ils osent appeler « hot chocolate » dans les casinos d'ici, qui tient plus de la crème diluée qu’autre chose.
Après-midi, je mets de l’ordre dans mes affaires, je m’inscris au WSOP $1.500 PLO du lendemain et je prends une salade avec les copains de l’EFP, plus Cédric, un habitué de l’ACF de Paris qui dispute un $330 au Caesars. Il est accompagnée de Julia, donneuse bien connue du circuit francais. Tiens oui, le Caesars aussi fait une série de tournois. Quelle coïncidence, hein ?
En savoir plus sur ces énergumènes
Cette année, la mode est double :
- les tournois sont presque tous « Deep Stack », et l’argument est largement développé dans les brochures. Au Caesar's, on vous donne dans certains tournois 12.000 de stack de départ en commençant à 25-50… et sans antes ensuite !
- une lubie un peu curieuse qui se voit dans plusieurs casinos, y compris le Binion’s : le bonus buy chips, qui est un ajout de $10 et qui vous donne 2.000 jetons de plus… octroyés dès le départ. Inutile de dire que tout le monde le prend.
Après avoir serré la louche aux gars de l’EFP pour leur dire adieu, et les avoir félicité pour leurs perfs, je m’embarque pour le Venetian, là encore un des hauts lieux du poker de Vegas. Et une fois de plus, série de tournois en court, au point que le card-room déborde sur 3 fois sa surface d’origine. Très belle salle dernier cri, où les donneurs peuvent même gérer sur un petit écran incrusté devant eux les places libres à leur table.
Là aussi j’opte pour une table $2-$5, dans un vacarme effroyable et avec des joueurs qui s’invectivent sans cesse. Un véritable enfer. En un quart d’heure j’ai compris que les proportions sont inversées par rapport à la session de la veille : sur les 9 protagonistes, 6 sont aguerris et 3 sont (à peu près) des fish. Mais j’aime relever des défis et je décide de rester. Mal m’en prend, car après un bead beat je dois recaver. Et je rame, je rame, je jette mes mains. Deux joueurs ont des tapis colossaux sur cette table, supérieurs à $5.000, et envoient le paquet préflop avec des mains plus qu’inattendues. A-6 leur suffit pour relancer à $45, par exemple, soit 9 fois le surblind. Pour ma part, j’adopte ma stratégie du piège : j’entre avec des mains connectées de type 8-7 assorties ou non, ou des petites paires, histoire d’accrocher de bons flops.
Malgré le déchet énorme, trois flops vont me donner raison, sur les mains 4-4, 10-10 et K-J à trèfle. Je flope brelan avec les deux premières, et pour la troisième, je fais tirage à couleur. L’adversaire checke, je checke aussi, la turn ne me donne rien, il envoie son tapis, et je calcule ma cote sachant que j’ai un tapis égal à 3 fois le sien. J’ai tout juste la cote pour entrer, alors je paie, et je touche le 9 de trèfle à la dernière. Du coup je passe pour un cutard et je ne me prive pas d’exploiter cette image. Je vais pouvoir ainsi rectifier le cap et renverser la vapeur pour les deux heures suivantes. Là encore, je ressors gagnant de cette session, mais moins que la veille.
Lundi 1er juin, donc hier, j’avais cours à midi, dans le grand amphi Amazon du Rio, et croyez-moi j’avais bien révisé mes leçons d’Omaha pot-limit, un jeu que j’adore depuis que je l’ai découvert au début des années 1990. Pascal Perrault et moi faisions à peu près tous les tournois de PLO de l’ACF des années d’or, 1995-1997 en gros.
Si je dois donner un seul conseil en tournoi de PLO, c’est d’être hyper-sélectif dans ses mains, ne pas hésiter à jeter des mains qui jouent sur 3 pieds au lieu de 4 (où une carte est inutile sur les 4). C’est ce que j’ai appliqué ici.
810 participants pour ce beau tournoi WSOP n°5, avec comme toujours une organisation au poil… même si certains croupiers avaient des problèmes avec les calculs des enchères max, comme on le voit souvent en pot-limit. Des niveaux d’une heure, donc inutile de se presser. J’ai joué d’abord à la table n°41 de Roland de Wolfe, Anglais très sympa et joueur vedette, agressif juste comme il faut. J’ai doublé contre lui au 3e niveau lorsque, ayant lutté vaille que vaille contre une insuffisance criante de cartes, j’ai poussé le tapis préflop avec
alors qu'il m'avait relancé avec
qui est aussi une très bonne main... mais moins bonne que la mienne !
Ce tournoi était un "triple chance" bien que cela n'était pas prévu. En clair, vous aviez 2.000 au départ (vous avez bien lu : 2.000 pour des blinds 25-50 !), plus 2 jetons spéciaux qui valaient chacun 1.500 et que l'on pouvait transformer en jetons de tournoi pendant les trois premières heures de jeu. Avant de changer tout de suite mes jetons, j’ai voulu voir ce que faisaient mes adversaires. Seuls trois les ont tout de suite utilisés. J’ai improvisé une tactique, qui a été de n’en utiliser qu’un seul tout de suite, l’autre étant une poire pour la soif si jamais je me faisais ratisser mes jetons sur un bad beat.
Et c’est ce qui est arrivé finalement. Touchant brelan d’As au flop, j'envoie le tapis et mon adversaire paie avec double tirage quinte+couleur. Il termine couleur et je ne fais pas full. C’est ce qui m’a obligé à continuer le tournoi avec 1.500 dès le 2e niveau de blinds ! Le fait de ne pas être le seul n’est pas une consolation. C’est juste frustrant.
Ensuite mon tapis a joué au yoyo mais sans jamais dépasser les 5.000. En fait, j’ai eu quelques bonnes mains mais sans floper du lourd, ou si c’était le cas, je n’étais pas payé.
J'ai été déménagé ensuite à la table d’Andrew Black, qui a remplacé son bouc par une barbe fournie mode fondamentaliste, un vrai gourou ! A un moment donné, je recois la main
A cet instant, nous sommes au 4e niveau, le 100-200, et j’ai un tapis minable de 2.000 quand deux adversaires ont plus de 30.000, pour une moyenne générale de 15.000 ! Bref, n’ayant ensuite aucune latitude pour bien défendre cette main, je décide de passer.
Trois joueurs s’engagent et voient le flop
J'aurais eu full, je suis vert ! En plus, une bataille s’engage entre trois joueurs, puis l’abattage a lieu, et c’est Andrew Black qui le gagne avec… 9-9 en main ! Là-dessus, un des protagonistes proteste et explique qu’il avait un 3 dans sa main, ce qui lui faisait brelan (et non pas full, attention, on est en Omaha !). Mais trop tard, ses cartes ont disparu dans le « muck ». C’est un peu rageant sur le coup de me dire que j’aurais pu voir ce flop pour 10% de mon tapis et que je l’aurais sans doute triplé… Mais j’ai passé l’âge des regrets infantiles.
Trois coups plus tard, je recois la main
et j’envoie le pot, soit 1.050, relance maximum. Un adversaire me sur-relance au max, et tout le monde passe. Je me doute bien qu’il a paire d’As en main, ou éventuellement une main de type T-J-Q-K, surpuissante aussi. Mais avec mes deux paires, j'ai 2 chances de floper brelan alors que lui n'en a probablement qu'une seule au mieux... C'est pourquoi je paie à tapis. De toute façon je n'ai qu'à peine 1.000 de jetons devant moi, et en relançant au max préflop c'était clairement pour aller à tapis en cas de sur-relance adverse.
L’adversaire abat
mais le tableau n’apporte que des petites cartes et je suis éliminé en 333e position.
L’an dernier, j’ai perdu mes deux tournois à peu près au tiers du field, cette fois je commence en perdant aux deux tiers. C’est mieux mais ce n’est pas encore ça. Bref, un tournoi un peu frustrant au final, mais intéressant à gérer, avec un rapport qualité-prix imbattable : $250K au premier, 81 joueurs payés, beaucoup d’adversaires très bons avec lesquels ont partage du vrai poker, dans La Mecque du poker mondial, pour seulement $1.500, soit à peine plus de 1.100 euros.
En sortant du Rio, je mets le cap vers le Caesar’s, pour y faire une troisième session de cash. Cet établissement est probablement le plus grand de Las Vegas maintenant, avec ses deux casinos, sa piscine-thermes avec les cyprès, ses galeries marchandes d’articles de luxe, ses boîtes de nuit, ses salles de spectacles… ses deux nouvelles tours dont la construction s’achève en ce moment… et bien sûr sa poker-room de 64 tables. La liste d’attente pour la table $2-$5 rivalise avec un discours soviétique, par contre je vois qu’il y a une place libre à la table $5-$10. J’y vais sur place pour sentir l’ambiance, et elle me convient, même si un joueur a un tapis de $5.000 et un autre de $4.000, les autres tournent autour de $800. Je me cave à $1.200 (il faut dire que je n’ai pas plus sur moi) et je m’installe.
Première main : les As noirs. Je suis en milieu de parole et je viens de donner mes billets de $100 à un floor qui est parti me les changer en jetons. Donc à ce moment-là, je n'ai pas de jetons devant moi. A ma droite un joueur relance à $40, un autre suit. Je sur-relance à $150. Le bouton envoie son tapis de $950. Les deux autres passent, et évidemment j’envoie mon tapis, en espérant qu’il a K-K. Le flop donne
et l’adversaire abat A-K dont l’As de cœur. Pan dans les dents, je me retrouve avec un peu plus de $200, à une table où le tapis moyen est de l’ordre de $2.000 et le tapis max à $5.000… et je ne peux plus recaver !
Dans ces conditions, je devrais rentrer et aller au gentlemens club pour me changer les idées, mais vous connaissez Montmirel, c’est un accrocheur qui n’hésite pas à faire le contraire de ce qu’il dit quand il pense que c’est utile ! Bref, j’envisage d’envoyer le tapis sur une relance adverse avec une main spéculative, plusieurs fois s’il le faut, afin de doubler deux fois de suite et de revenir à $1.200. Rude tâche il est vrai, mais cette fois les dieux du poker m’ont favorisé. Ca commence avec 4-4 qui flope le 4 et l’adversaire trouve deux paires. Je double. Un peu plus tard, je fais quinte à la turn avec une main improbable au départ : 8-6 à trèfle, contre un joueur qui avait brelan au flop et l’a sous-joué (j’adore ce type d'erreurs).
Remarquez que j’en ai commis une moi aussi : j’ai 5-4 à cœur, et je vois le flop A-5-2 contre deux adversaires. Check partout. La turn : un 3 qui me donne quinte. Comme je suis premier à parler, je préfère laisser attaquer au risque d’avoir une deuxième check, mais je soupçonne un joueur de bluffer ce coup. Pourtant il n’en est rien, c’est encore un check complet. Enfin arrive la river : un 4, qui donne la quinte au tableau. Inutile d’envoyer puisque je vais être payé (je pourrais le faire si j’avais un 6 voire 6-7 en main pour simuler un arrachage), donc dégoûté, je checke, et nous récupérons chacun nos jetons.
C’est une erreur si l’on veut : si c’était à refaire, je pense que je le referais parce que je veux laisser l’adversaire toucher une carte haute qui l'arrange et le laisser ouvrir pour prendre le pot. Ici j'ai un petit tapis et je dois doubler, c'est ça ma mission. Mon plan est soit de le relancer au double après, ce qui le pousse à payer, soit d’envoyer mon tapis pour qu’il soupçonne un arrachage de ma part. Je ne compte pas les gros pots que j’ai gagnés de cette manière, mais attention, cette tactique convient mieux en cash-game qu’en tournoi.
Bref, après bien des péripéties (car je n’ai pas fait que gagner des coups), je rejoins les $1.000. La table est sympa, 4 joueurs sont des fish, disons-le, et l’habit ne fait pas le moine : le sosie de Men Nguyen peut en fait cacher un joueur de punto-banco de passage au card room pour se donner des émotions fortes. Et ce type qui pourrait être le frère de Phil Ivey ? Observez-le bien et vous verrez que malgré sa stature de boxeur, il ne joue qu’un coup par tour, timidement, et refuse de se caver au-delà de 30 fois la grosse blind ! Pardon de ne pas en dire plus sur le cash-game, tous les secrets sont dans Poker Cash 1 et Poker Cash 2 de Dan Harrington.
Puis arrive un coup énorme que j'ai détaillé dans le forum de l'EFP, ICI.
Un peu plus tard, c’est à mon tour de relever le gant. Il faut dire que depuis ce coup démentiel la table s’est échauffée, une grosse joueuse est arrivée (je veux dire qu’elle flambe un peu, mais il est vrai aussi que son tour de poitrine impressionne, et elle le sait, et elle a raison de le savoir), un autre joueur aussi que je sais hyper-agressif. Le jeu devient très animé d’autant qu’il y a des cartes, y compris pour moi.
Je recois alors une de mes mains préférées : 4-3 assorties à carreau, au bouton. Trois joueurs suivent le surblind à 10, et le surblindeur relance à 50. Les autres passent, et je suis. Vous allez m’objecter que c’est idiot, car je n’ai pas de cote, mais je réponds que j'ai en fait une cote implicite colossale. C’est sur ces coups que j’ai encaissés mes plus gros pots car l’adversaire ne vous voit pas sur ce genre de mains. Par principe, je les joue souvent, or ici le relanceur est un « ABC-player », un joueur avec de bonnes bases mais lisible, trop mécanique. Je sais qu’il a probablement A-K, A-Q ou A-J, ou encore A-A, K-K ou Q-Q. Mais comme on sait, ces 6 mains représentent en tout 66 cas, dont 48 non-paires, soit presque les deux tiers de mains fragiles.
Nous sommes trois à voir ce flop car le petit blindeur paie aussi :
Je sais, vous allez me dire que j’ai de la chance, et c’est sûrement vrai en l’occurrence, mais je vous répondrai que je vais toujours chercher cette chance avec la force du poignet, car pour un cas comme celui-là, je fais 10 coups d’épée dans l’eau qui, s'ils ne me rapportent rien, ne me coûtent pas cher non plus.
Le bouton ne fait ni une ni deux : il envoie le tapis, soit $520. Là j’ai tout le loisir de réfléchir tranquillement, et cela me prend deux bonnes minutes. Je ne le vois aucunement sur un brelan ni deux paires, c’est contraire à ses habitudes de relancer préflop avec une petite paire. Cela élimine du même coup le tirage à quinte avec 5-5 en main, et A-5 aussi d’ailleurs. Restent donc les mains premium que j’ai citées, et je penche au pire pour A-K à pique, qui lui donne à la fois tirage à couleur et deux overcards.
Vous l’avez deviné, je paie. Le petit blindeur passe, puis le tableau final est :
Quand je vois le tableau, où seule la Dame me pose problème, je me dis que j’ai mes chances. Il retourne immédiatement sa main : A-K à pique, exactement celle que je pensais. Ce pot me propulse, et non seulement il me fait récupérer cet argent perdu à cause de cette satanée paire d’As battue, mais il me donne un confortable bénéfice en seulement trois heures de jeu. Une demi-heure après, je sors du Caesars, l’âme en paix, le cœur léger et le portefeuille plus épais. Ces trois premières sessions de cash positives me financent mon premier tournoi WSOP. Voilà le poker comme je l’aime…
Je remettrai ça mercredi avec le tournoi WSOP n°10, un Hold'em/Omaha pot-limit à $2.500, qui commencera cette fois à 17h. J'ai tiré la place 6, table 201. J'en prévois ensuite deux autres, et retour au bercail le 12/06.