Mon nom est Bond, James Bond

Publié le par jokerdeluxe

Ce matin était spécial : j’étais convié à l’avant-première de Casino Royale, le dernier James Bond (sortie officielle le 22/11). Olivier du blog d'Oleastre (voir lien Partners) m'accompagnait à cette projection réservée à la presse. J’étais concerné à 2 titres :
-       ce remake du tout premier épisode de la fameuse série de Ian Fleming comporte 2 scènes totalisant environ 30 minutes consacrées au jeu ; dans la première version tournée en 1967, à la fois culte et parodique, c’était du chemin de fer (baccarat à un tableau) ; dans la mouture 2006, c’est du Texas hold’em, le poker du Championnat du monde ;
-       j’avais été choisi par la Columbia pour servir de consultant français pour les dialogues des scènes de poker, tant pour le doublage que pour le sous-titrage.
D’abord le film. Un Bond du meilleur cru, même si je confesse ne pas être un des plus fins connaisseurs du genre. Mais je n’en sais pas moins ce qu’est un bon film d’action, et celui-ci en est un pur sucre. Je vous recommande spécialement la scène d’ouverture, chasse à l’homme haletante en Afrique aux acrobaties multiples, y compris sur une grue à 60 mètres d’altitude, et la scène quasi finale à Venise, à l’intérieur d’un palais qui s’effondre lentement dans le Grand Canal.
Le nouvel acteur, Daniel Craig, incarne le héros à la perfection, même si j’entends déjà les puristes regimber en regrettant le « seul acteur digne du rôle »… Sean Connery, bien sûr. On note que la « James Bond girl » de cet épisode est… française : Eva Green. Je vous recommande la robe qu’elle arbore fièrement dans l’hôtel monténégrain dans lequel l’espion de la reine est descendu. Affolante.
Maintenant, le poker.
Le tournoi à une table oppose des gros joueurs réunis à la demande du sournois Chiffre, campé par un Mads Mikkelsen à la fois terrible et touchant, grand ponte du terrorisme international qui vient de perdre sa fortune suite à une manipulation boursière ratée (le méchant qui se prend les pieds dans le tapis, c'est toujours pathétique). Fort de ses capacités pokériennes, il entend récupérer son argent d’autant qu’il en doit une bonne pincée à ses fournisseurs.
Mais d’entrée de jeu une première déception : la partie n'est pas truquée. Non, le donneur n’est pas à la solde du vilain bonhomme, personne n’a marqué les cartes, ce qui diffère singulièrement avec la version d’origine. Le Chiffre va donc se battre à la loyale. Qu’on se rassure : il a d’autres tours dans son sac.
Chaque jour donc, pendant de longues heures, les joueurs vont s’asseoir à la même table pour défendre les 10 millions de dollars qu’ils ont engagés (plus 5 millions de recave possible).
Le producteur du film, Michael Wilson, explique : « Nous avons opté pour ce jeu en partie au vu du récent intérêt pour le poker dans le monde entier. (…) Mais nous l’avons choisi aussi parce que le poker est un jeu de bluff et de stratégie qui offre plus de nombreuses possibilités dramatiques à l’écran. »
Et ce film en donne la démonstration. La musique, les plans rapprochés, les ralentis mettent bien en scène le drame ressenti par les joueurs. Nous ne sommes quand même pas dans les délires géniaux d’Arnaques, crime et botanique, quoique le réalisateur aurait été bien inspiré de les reproduire. Mais la mise en évidence de la faiblesse du Chiffre, à savoir cette veine près de l’œil qui pulse plus fort sous le stress et qui lui fait couler des larmes de sang, voilà un tell original qui aura bonne place dans mon prochain livre consacré à la lecture de l’adversaire… au chapitre « Bêtes de foire »…
L’astuce est d’autant plus fine que Le Chiffre l’utilise comme contre-tell, c’est-à-dire justement quand il ne bluffe pas… ce qui assure à Bond une ruine prématurée… malgré son full max qui se casse les dents sur la seule combinaisons supérieure, un carré de Valets.
 
Qu’à cela ne tienne, Bond se recave, mais pas auprès de sa comptable de girl qui, suprême trahison, refuse de le financer : auprès d’un autre joueur de la table qui lui offre son soutien et 5 millions de dollars, une paille. Quelques plans suivants, notre espion préféré s’est refait une santé et le voilà chip-leader.
Le coup final est grandiose. Je pourrais ne pas vous le dévoiler si j’étais certain que personne ne le ferait à ma place. Mais je sais les puristes trop passionnés pour se taire sur cette merveille, alors le voici :
    
Le tableau final est le suivant : Ac-4p-8p-6p-Ap. A la dernière, l'Ap double, la fameuse doublette de l’As qui amène quatre piques. Il y a de la couleur dans l’air… mais aussi toutes les autres combinaisons du poker !
Bond parle en dernier, Le Chiffre juste avant lui. Au stade de la river, un joueur fait all-in à 6 millions, le suivant aussi à 5 millions, Le Chiffre relance à 12 millions, Bond fait all-in, Le Chiffre paie mais Bond le couvre légèrement. Il y a 115 millions sur la table – et si Bond perd le coup, l’argent ira au « terrorisme international » (jouons le jeu, c’est du cinéma).
Le joueur 1 abat une couleur, le joueur 2 abat un petit full, Le Chiffre abat A-6 pour un full aux As. Mais ce n’est que le 3e jeu : Bond peut posséder A-8 ou 7p-5p. Et c’est justement cette dernière main qu’il abat, pour une quinte flush triomphante qui met un point final au tournoi et aux desseins maléfiques du Chiffre… lequel d’ailleurs n’a pas dit son dernier mot, loin s’en faut, comme le prouve la suite du film.
D’un point de vue purement stratégique, aucun joueur n’a fait d’erreur -- Bond lui-même n'a pas bougé avec son tirage double au flop, donc rien à redire vu qu'il fait quinte flush à la turn. D’une manière générale, les cinq coups auxquels on assiste ont été manifestement étudiés par des consultants de qualité. Mais reste un petit regret sur ce coup ultime : Le Chiffre aurait dû abattre A-8, le full max, ou A-A, le carré, ce qui ne laissait qu’un seul jeu supérieur à Bond. Fantaisie de scénariste sans doute…
Casino Royale version 2006 pose une nouvelle pierre à l’édifice déjà élevé des films consacrés au poker. Car même si le poker n’est pas le sujet principal de ce film, il en constitue la trame centrale et, last but not least, le générique utilise uniquement des symboles des cartes à jouer.
Sortie nationale : 22 novembre. Faites-vous une toile…
Durée : 2h18
Photos :
- Daniel Craig et Daniel Andreas, acteur français jouant le rôle du donneur
- Le Chiffre
- Daniel Craig (posture de presse)
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Note après publication : "Le Gazette du doublage" fait état de mon intervention à travers l'interview du traducteur-adaptateur, à la 7e question, ici :

Publié dans Au cinéma

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S
Bah ca pour ceux qui n ont jamais joué au poker je comprend que ca peut plaire vu l engouement du poker en ce moment... mais voila c est tellement exagéré que moi ca m a fais "frissonné" meme si je sais que dans un film il faut des situations exceptionelle,ce que j ai preferé été l analyse de bond sur le bluff que tenté le chiffre,qui au final trouve son 2 (avec sa pair de deux en main)<br /> J ai largement prefere "les joueurs" :)
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P
Salut,<br /> <br /> Je ne suis vraiment pas de votre avis, les mains au poker dans ce film sont totalement extravagantes, Bond ne fait que checker ou suivre, on dirait un vrai débutant, à un moment dans le film il prétend jouer les adversaires plutôt que les cartes et pourtant pas une fois il ne fait un bluff, pas une fois il ne joue avec autre chose que le jeu max, d'ailleurs il n'a que ça, des jeux max. La dernière main est un festival de n'importe quoi, imaginez une couleur, full, full supérieur et quinte flush, tout ça juste avec 4 adversaires et dans l'ordre en plus (parce que la couleur aurait bien vite laché fasse à 2 all in, idem pour le petit full). C'est vraiment très simpliste tout ça
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K
ça été un plaisir de voir du NL HL dans un James Bond.. le tell/contre tell du chiffre était une attrayant subtilité pour nous joueurs.<br /> <br /> quand à l'ultime main... quel board pour l'ensemble des joueurs !!!
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