Mon dernier tournoi 2006
J’aurai finalement joué dans 3 tournois des EFOP qui viennent de ce terminer à Paris.
L’Omaha pot-limit double-chance à 1000, le 12/12.
Rude tournoi, où, abattu par un full qui trouve sa doublette à la river contre ma couleur max (vieux classique de l’Omaha), je me retrouve avec ma deuxième cave au bout d’une heure de jeu. Les niveaux sont de 45 minutes. Je ne vois décidément pas de carte et je passe mon temps à jeter ma main.
Au bout de 2h, je touche cette main : 9-J-Q-K bicolore, qui est une bonne main. Je relance, un adversaire me paie. Le flop : 10-J-Q, qui me donne quinte au Roi (second best). Mon adversaire envoie le maximum (pot), je fais tapis (re-pot), il paie. Je crains la quinte max chez lui, mais sa main est une bénédiction pour moi : il a 4-J-Q-A dont 2 trèfles, ce qui me rend super-favori.
Hélas, il touche l’un des seuls jeux qui le faisait gagner (en-dehors du K, de A-A et de 4-4) : trèfle à turn + river, et me voilà dehors. Il avait autant de chance de recevoir cette main finale que de toucher un numéro à cheval à la roulette.
Je sors amer du tournoi, même si j’ai appris depuis toutes ces années à accepter la défaite, en compensation d’accepter la victoire, si rare et si précieuse. L’omaha pot-limit reste un mystère pour moi. J’ai pourtant gagné plusieurs tournois, mais c’est toujours cette marge de chance supérieure au Hold’em no limit qui me gêne…
Le Hold’em limit à 250 du 14/12.
Je tombe sur une table où sévissent 4 fous furieux qui passent leur temps à se sur-relancer jusqu’à la river avec l’espoir de faire A-A quand ils partent avec A-4 dépareillés. Contre eux, une seule parade pour ne pas se faire déchirer : passer. Pourtant, je réussis à accrocher une quinte au surblind non relancé avec J-10, que j’attaque d’entrée de jeu. Je suis payé, non relancé, par un de ces fous furieux. Il termine couleur backdoor et empoche le pot. Comme on est encore en début de tournoi, je n’y laisse que le quart de ma cave, mais quand même, le coup est rude.
Idem un quart d’heure plus tard, quand je pars avec A-K. Je trouve A-K-6 au flop, que j’attaque sans état d’âme. Là encore, je suis payé par un fou furieux. Et là encore, il touche couleur à la river.
Calme, Francois, calme…
Dans les 2 premières heures, je ronge ainsi mon frein et je n’arrive à toucher qu’un seul pot grâce à 9-9 qui fait brelan au flop et full à la dernière… heureusement car j’avais à nouveau une couleur en face !
Ma table se casse et j’atterris sur celle de mon copain Pascal Perrault. « Triple P » possède un tapis monstrueux, c’est de loin le chip-leader. Il se fiche de moi (gentiment) en voyant mon tapis… Les blinds sont 10-20, j’ai 150…
Au troisième coup, je touche Q-Q. Je relance, Triple P sur-relance, je sur-relance à mon tour, il paie. Le flop est inférieur à la Dame. J’ouvre encore, il paie. La turn est quelconque, j’ouvre encore (40), il paie. La river est toujours inférieure à la Dame (bon tableau, finalement), j’ouvre encore et il paie. Il abat A-6 pour une paire de Six. J’ai presque doublé… je revis.
Après un quart d’heure d’inaction, je touche 5-4 dépareillés au surblind. Je suis relancé, trois joueurs paient… je paie la relance, logiquement. Rien au flop… mais j’y laisse mes derniers jetons. Rien à la turn, rien à la river. Je suis déjà debout comme de coutume en pareil cas. Quatre mains sont abattues, et ce sont les deux paires K-J qui gagnent un pot plus que rondelet, et élimine deux joueurs d’un coup… dont moi. Rideau.
Dans ce tournoi qui ne restera pas dans mes annales personnelles, mes 3 meilleures mains de départ auront été Q-Q, A-K et 9-9.
Le H.O.R.S.E. limit à 100 du 19/12.
Voilà le tournoi de clôture des EFOP et aussi mon dernier tournoi 2006. Ce doit être la deuxième fois que l’ACF organise un tournoi de Horse. J’en rappelle le fonctionnement :
- tapis profonds (2.000, premiers blinds 5-5)
- enchère à limites fixes (« limit »)
- augmentation toutes les 30 minutes
- à chaque augmentation, le jeu change suivant cette rotation : Hold’em, Omaha high-low, Razz (Seven low), Seven high, Eight or better (Seven high-low)
- la table finale se dispute en Hold’em limit
L’idée est de soumettre les joueurs au défi de changer leur stratégie toutes les demi-heures et de savoir qui, dans ces conditions, est le meilleur dans ces pokers très différents ensemble.
Pour ma part, je suis à l’aise dans tous, les ayant maintes fois pratiqués en parties privées depuis des années. Le limit est aussi habituel pour moi. Mais manifestement, ce n’est pas le cas de nombreux joueurs. Ici, il s’agit d’aller souvent à tirage et de lâcher dès qu’on perd la cote financière, autrement dit dès qu’on s'apprête à courir des risques qui sont sous-rémunérés. Par ailleurs, le Razz, le jeu le plus casse-gueule car on ne peut pas avoir de jeu fait avant la 5e carte sur 7, handicape beaucoup d’adversaires.
Il y a 57 joueurs et 5.000 euros à la gagne.
Pendant les 4 premières heures, mon jeu a consisté à observer mes adversaires et leurs faiblesses selon les jeux. Je reconnais ne pas m’être privé de les manipuler mais c’est normal au poker.
Pendant les 4 premières heures, mon jeu a consisté à observer mes adversaires et leurs faiblesses selon les jeux. Je reconnais ne pas m’être privé de les manipuler mais c’est normal au poker.
Exemple : je suis dans un des trois Seven (low, high ou high-low) et j’ai un tableau menaçant. Je reçois la dernière carte, je ne la regarde même pas et j’ouvre d’un geste rageur, comme je l’ai fait depuis le début du coup. Peu importe ce que j’ai comme cartes cachées : systématiquement l’adversaire passe. Je ne me suis jamais fait piéger dans ce bluff, d’autant que les deux fois où l’adversaire a payé, j’avais effectivement la main gagnante – il payait par acquit de conscience.
Etant à l’aise au Stud à 7 cartes que je pratique régulièrement depuis plus de 20 ans (mes deux titres internationaux sont dans ce jeu), je suis comme un poisson dans l’eau pendant une heure et demie dès que les tours d’Omaha sont passés.
De fil en aiguille, je monte un tapis important qui, d’après mes estimations, reste dans les 5 premiers du tournoi pendant toute la durée d’épreuve.
Jusqu’à ce sérieux coup de semonce quand j’arrive aux 3 tables finales, en Hold’em. J’ai environ 12K, chip-leader, je suis au bouton, tout le monde passe, et j’ai 6-6. Je décide de payer. Le surblindeur, un joueur survolté qui pleurniche à chaque fois qu’il perd un coup, me relance. Il a 6K. Je paie.
Arrive le flop : J-6-4. Je fais brelan. Il ouvre, je relance, il sur-relance, je sur-relance (on ne peut pas relancer au-delà).
La turn : K. Il ouvre, je relance, il sur-relance, je sur-relance.
La river : A. Il ouvre, je relance, il sur-relance, je sur-relance. En fait, il est déjà all-in avant mon ultime relance.
Et il abat A-A en main, qui lui donne brelan max à la dernière. Il gagne un pot énorme.
J’accuse le choc. Une telle claque m’est arrivée rarement mais c’est toujours désagréable. Il me reste 6K.
5 coups plus tard, je touche Q-Q. Là encore, je joue à fond, et j’accroche un adversaire qui perd avec 10-10. Je reprends 1.500.
C’est ainsi que je vais gratter les jetons à chaque fois que je vais pouvoir le faire, pour essayer de retrouver un gros tapis. Quand nous passons à 2 tables, j’ai un tapis de 11K environ.
Stéphane Lamour et Patrick Dioscure, deux vieux bourlingueurs que je connais bien, sont à ma table. Les enchères sont assez hautes maintenant pour se montrer très vigilants dans les relances.
A un moment donné, aux limites 300-600, nous sommes 10 joueurs et, en Stud à 7 cartes, je touche un tirage à quinte ventral J-10-8. C’est peu mais j’attaque. Patrick relance, Stéphane paie, moi aussi.
La 4e est anodine pour tout le monde. Patrick, qui a un As sorti, ouvre de ses derniers jetons, et nous payons. Ensuite, c’est check jusqu’à la fin… sauf qu’à la dernière, je reçois un 9 qui me donne quinte... un miracle. Vraiment, je ne peux pas me permettre de checker à nouveau… J’ouvre donc de 600, Stéphane paie avec 2 paires. Patrick avait 2 paires Rois-5. Il est éliminé à la bulle. J’ai toujours plaisir à jouer contre lui, comme Stéphane d’ailleurs : agressifs, talentueux et courtois. Des joueurs de classe.
On entame alors la table finale, uniquement en Hold’em limit. Stéphane, avec son tapis diminué, va résister un temps puis il saute 8e et encaisse 150. L’un après l’autre, les joueurs reçoivent un mauvais coup qui fait du mal à leur tapis, et ils rament ensuite jusqu’à l’élimination, parfois après quelques coups de survie. Je réussis 4 coups de bluff pur avec une relance à la turn qui fait éviter l’adversaire… qui finit par jeter, écoeuré de s’être fait piéger de cette manière en bluffant lui-même ! La lecture que j'ai d'eux n'est pas étrangère à ces succès...
En fin de tournoi limit, cette technique fonctionne très bien. Il suffit, quand on a la position, de payer les ouvertures adverses aux deux premiers tours. Puis, à la turn, au lieu de payer (l’enchère a en effet doublé, ce qui permet d’intimider), on passe si on sent l’adversaire blindé, ou on relance si on sent qu’il bluffe. Si c’est le cas, et si on sait que c’est un bon financier, il va forcément passer et vous gagnez alors un gros pot sans aller jusqu’à l’abattage. Je ne détaille pas ici les différents cas relatifs aux combinaisons possibles dues au tableau, mais j'ai dévoilé l'essentiel.
A 5 joueurs, j’affronte une première perte et je perds mon chip lead. Et je réussis un coup dont je suis assez fier : un joueur espagnol qui parle juste avant moi relance, je paie avec Q-J. Flop quelconque, carte max 8. Il ouvre et il ne lui reste qu'un tiers de son tapis. Je réfléchis : selon moi, il a un As accompagné. Depuis le début, il abat toujours un As. J'estime qu'il a aussi ce jeu ici. Si je relance, il ne peut donc suivre décemment que s'il possède un kicker qui double avec le flop pour faire paire, comme A-8. En relançant, je lui fais croire que je suis parti avec un petite paire par exemple, ou un jeu potentiel comme 8-7 assortis, et que j'ai touché ma paire. Je le relance donc. Il réfléchit, réfléchit... Pendant ce temps-là, je me dis que j'ai quand même 2 overcards sur le flop, donc que j'ai mes chances de gagner le coup même s'il paie. Et il jette. Il sera éliminé cinquième après avoir mis son tapis au coup suivant.
A 4 joueurs, deuxième perte qui me fait passer troisième en jetons au profit d’un Stéphane Bazin en pleine forme.
A 3 joueurs, j'ai le plus petit tapis je sais que je vais devoir jouer agressif pour y mettre tous mes jetons car j’aurai forcément un adversaire pour payer : j’ai seulement 12K contre 40K environ chez chacun de mes adversaires, Bazin et Bacry. Les blinds sont 700-1.400.
Arrive une paire servie, 5-5. J'ai 12K, Stéphane Bazin a 35K. Je relance, il paie au blind.
Le flop s’affiche. Il contient un 5, j'ai brelan.
Il ouvre, je relance. Je ne veux pas piéger, vu ma stack je dois essayer de prendre tout de suite, d'autant que c'est du limit. Mais il décide de payer.
Turn quelconque. Il attaque encore (2.800). Je relance (5.600), il paie.
River quelconque -- toujours pas de full ! - mais possibilité de couleur et de quinte au tableau. Il ouvre -- je reste optimiste, je me dis qu'il n'est pas allé chercher son tirage si cher, qu'il a 2 paires par exemple, j'y laisse mes derniers jetons.
Le flop s’affiche. Il contient un 5, j'ai brelan.
Il ouvre, je relance. Je ne veux pas piéger, vu ma stack je dois essayer de prendre tout de suite, d'autant que c'est du limit. Mais il décide de payer.
Turn quelconque. Il attaque encore (2.800). Je relance (5.600), il paie.
River quelconque -- toujours pas de full ! - mais possibilité de couleur et de quinte au tableau. Il ouvre -- je reste optimiste, je me dis qu'il n'est pas allé chercher son tirage si cher, qu'il a 2 paires par exemple, j'y laisse mes derniers jetons.
Il abat couleur à carreau touché à la river. Je suis déjà debout, je prends cet uppercut qui me laisse sur le flanc… et salut la compagnie. J'encaisse 655 euros (dont 25 au personnel).
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Une élève sauve l'honneur
Dans le couloir que j'emprunte pour me diriger vers la sortie, une joueuse me tire par la manche. "Vous me reconnaissez ?" me demande-t-elle. Je suis fatigué, je n'ai plus les yeux en face des trous, bref, je réponds par la négative. "J'ai assisté à un de vos séminaires, au Concorde." Ah oui, je me souviens d'elle. C'était Valéa Profit, la seule femme présente à ce séminaire.
Elle est radieuse et poursuit : "J'ai gagné le tournoi féminin des EFOP." Je la félicite, je suis sincère quand je lui dis qu'elle a réalisé une belle performance. Et si elle avait gagné grâce à mon séminaire ? Enfin, en partie au moins... Mentalement je me sens rebondir soudain, tout en m'étonnant de la voir encore assise à une table de cash-games à une heure pareille...
Il est 6h et comme je suis venu en métro, je repars par l’une des premières rames. Elle est déjà encombrée de ceux qui, à l’inverse de moi, se lèvent très tôt pour gagner leur pain.
En appréciant mon croissant dans un bar qui vient d’ouvrir rue Michel Ange, je me sens amer d’avoir ainsi perdu avec brelan au flop, même contre un bon joueur comme Bazin… en sachant que j’accepte de toute façon le verdict du hasard, qui est sans appel. J'aurais aimé par-dessus tout disputer le tête-à-tête, j'étais assez en forme pour le gagner.
Il est 6h et comme je suis venu en métro, je repars par l’une des premières rames. Elle est déjà encombrée de ceux qui, à l’inverse de moi, se lèvent très tôt pour gagner leur pain.
En appréciant mon croissant dans un bar qui vient d’ouvrir rue Michel Ange, je me sens amer d’avoir ainsi perdu avec brelan au flop, même contre un bon joueur comme Bazin… en sachant que j’accepte de toute façon le verdict du hasard, qui est sans appel. J'aurais aimé par-dessus tout disputer le tête-à-tête, j'étais assez en forme pour le gagner.
J’attends de pied ferme le prochain HORSE. J’ai frôlé de peu mon troisième titre international, je suis prêt cette fois pour un autre rendez-vous où je n'ai pas la moindre intention de faire de la figuration...