Un cafouillage qui marrange
Lundi 12 février 2007, je participais au Hold’em no limit à 200 de l’ACF. 150 places disponibles, mais avec le jeu de la liste d’attente valable la première heure, c’est en fait 184 joueurs qui ont pris part aux combats.
Je suis tombé sur une table assez relevée, en place 3, avec le semi-pro de service assis deux places après moi. Et 3 joueurs qui n’arrêtaient pas de faire allusion à mes livres, ce qui est sympathique mais pas trop longtemps, merci.
Tapis de 2.500, blinds 25-25, puis 25-50, puis 50-100, etc., avec augmentation toutes les demi-heures. Structure honnête.
Le joueur de la place 10 (assis à droite du donneur) est un vieux briscard qui relance systématiquement en début de parole dès qu’il voit un As dans sa main. Le problème, c’est que certains comme moi s’en sont rendu compte, et en deux coups il a perdu ses gains et sa place dans le tournoi.
Le jeune assis à ma gauche, je le trouvais amical et bon esprit, mais il avait un gros défaut – et s’il lit ses lignes, il s’y reconnaîtra : il était trop actif dès le début du tournoi, à la recherche sans doute d’un gros coup pour doubler. Mais il n’a fait que jouer au yoyo, jusqu’à ce qu’un coup plus rude le réduise au quart de son tapis d’origine et l’oblige à attaquer all-in avec une main marginale. Exit.
Venons-en aux choses sérieuses. Comme je n’ai rien vu de bien intéressant pendant plus d’une heure et comme j’ai joué la serrure, je suis arrivé au début du 3e niveau (50-100) avec un tapis à peine entamé de 2.300. Je suis au bouton, le joueur UTG relance à 600. Il a un tapis de 2.900. Les suivants passent.
Je relève mes cartes : Q-Q. Le joueur en question a déjà volé plus d’une fois, c’est un attaquant-né. Mais fort de mon image, je veux savoir s’il a A-A ou K-K et je le relance à 1.200. C’est ma première enchère du tournoi.
Et là, surprise : le relanceur fait all-in. Mais il le fait sans même attendre que les blindeurs aient parlé ! Aussitôt, le croupier lui remet ses jetons, et le joueur se range patiemment, confus et visiblement troublé.
Ce genre de fautes de parole est courant chez les débutants, mais moins chez les joueurs qui ont un minimum de pratique. Je subodore une intox pour forcer les blindeurs à passer. D’ailleurs, ils passent.
Le relanceur fait alors un geste incroyable : il jette ses cartes ! Je luis dis que c’est impossible : si un des blindeurs avait relancé, il aurait pu passer. Mais comme ce n’est pas le cas, il doit respecter le all-in qu’il a déjà fait hors de parole. Le donneur appuie mes dires et le joueur s’aligne.
Avant de miser inconsidérément, je reviens rapidement sur cet incident. Fait-il de l’intox avec une main énorme ? S’il avait les As, ce serait effectivement bien vu de sa part. Car en jouant les ignares de cette manière dans un tournoi où personne ne le connaît, il peut manipuler facilement l’adversaire. Tout en réfléchissant, je l’observe. C’est un attaquant, certes, mais je n’ai pas vu les signes trahissant le joueur de pointe : manipulation des jetons, gestes sûrs et directs, etc. J’en déduis qu’il ne fait pas d’intox.
Et s’il ne fait pas d’intox, qu’il ait jeté ses cartes est crucial : cela me prouve simplement qu’il n’a pas A-A ni K-K, donc que je suis favori. Donc je paie all-in et je retourne mes Dames.
Lui, il retourne K-Q à coeur. Sa Dame est une calamité pour moi mais je la préfère de loin à un As ! Elle a l’avantage de réduire en gros ses espoirs à trouver un Roi au tableau. Roi qu’il attend toujours, d’ailleurs.
C’est ainsi qu’au bout d’un peu plus d’une heure, j’ai doublé mon tapis et je me suis trouvé chip-leader de ma table avec 4.750. En ayant joué un seul coup. J’ai terminé ce tournoi au niveau 600-1.200, en 32e position, alors que seules les deux premières tables étaient payées. Bien petite perf’ pour mon premier tournoi important de l’année…