WSOP Shoe, 1er juillet
Le tournoi WSOP n°51 est un « shoe » à 1000 dollars (Seven, Hold’em, Omaha high-low et seven Eight or better). Je m’inscris. Arrivé trois jours avant, j’ai encore le contrecoup du décalage horaire et j’ai mal à la tête mais tant pis.
A 17 heures le dimanche 1er juin, on nous installe dans une immense tente à l’arrière du casino Rio. L’air conditionné passe par des canalisations d’un mètre de diamètre en plastique transparent, trouées, qui courent d’un bout à l’autre de la tente. A l’extérieur, il fait 118°F (48°C), un vrai four.
Le Shoe se joue en limit. Je reçois 2.500 et les blinds sont 25-50, limites 50-100. Niveaux de 30 minutes avec augmentation toutes les heures (ça parait bizarre, je sais ; simplement on joue deux variantes par heure). Nous sommes huit par table. Il y a environ 600 joueurs.
Mes adversaires ont tous les âges. J’ai remarqué que les plus jeunes préféraient le no limit. Les tournois de no limit accueillent généralement plus de très jeunes joueurs.
Dans les deux premières heures, je ne touche aucune main valable. La meilleure main de hold’em que je reçois est… A-2 de carreau. Je passe coup sur coup. L’Omaha high-low n’est guère mieux. Le seven high-low me permet enfin d’attaquer grâce à des cartes correctes. Je remarque que mes adversaires ont du mal à le jouer. Dans ce jeu, il s’agit de former une main haute et une main basse qui valent au plus Huit. La plupart du temps, aucun joueur n’arrive à faire le « low ». Pourtant, cela m’est arrivé à chaque fois. J’arrive même à « scooper » le pot, c’est-à-dire à le prendre en entier.
Après le premier round de deux heures, j’ai pu redresser la barre et je me retrouve avec 2.000 environ, après avoir plongé jusqu’à 1.600 environ.
Les coups deviennent plus sélectifs, les limites montent. A 200-400, je ramasse un pot énorme en Omaha grâce à une carte paradisiaque. Je pars avec A-A-3-5 bicolore au bouton, une excellence main. Le flop arrive : K-8-6. J’ai tirage bas et paire d’As. La turn est un 2, qui me donne le deuxième bas. Je continue d’arroser contre deux joueurs. La dernière est un As, qui me donne brelan max (et jeu max) et deuxième bas (le meilleur étant constitué par le détenteur de 3-4).
Un ouvreur, un relanceur… et évidemment je sur-relance. Les deux joueurs relancent à leur tour, c’est le carnage. J’ai du mal à comprendre : je suis max en haut et deuxième en bas, alors qu’ont-ils à se relancer ? Si je gagne seulement en haut, j’ai la moitié du pot garantie aussi ils peuvent toujours relancer, peu importe. Nous allons donc au maximum des relances, soit 5 enchères en tout.
L’un abat K-8 et n’a pas de bas, l’autre abat A-K et a un bas médiocre. Je ramasse cet énorme pot qui me promeut deuxième tapis de la table.
Hélas pour moi, j’endure ensuite deux sales coups en seven high-low. Dans les deux cas, je suis battu par un full adverse alors que j’avais quinte puis couleur. Aucun bas pour partager. C’est rageant… J’ai du mal à me concentrer à cause de ma migraine et aussi l’effet du décalage horaire. Peu importe, je continue de me battre, mais je suis redescendu à 1.500.
Le paradis, puis l'enfer !
Deux adversaires sont au bord de l’élimination. L’un après l’autre, ils vont se sauver grâce à un coup de hold’em. Pour ce qui me concerne, c’est un coup de hold’em qui va me casser les reins. Je m’engage avec K-K, je suis relancé, je relance jusqu’au bout. Le flop est K-10-6 dont deux coeurs. J’ouvre, un relanceur, je sur-relance, un payeur. Turn : 4 quelconque. J’ouvre encore, toujours un payeur. River : As de cœur. J’ouvre, un relanceur, je paie. Abattage : K-K-K pour moi contre A-A-A pour mon adversaire. Glp… Il me reste 400 et je deviens le plus petit tapis de la table.
En plus j’arrive au blind de 200. J’ai J-7. Deux joueurs paient, sans relancer. Je vois le flop : A-7-6. J’attaque avec mes derniers 200 au cas où. J’ai un relanceur et le troisième larron paie. Rien ne change au tableau et je suis battu par un joueur qui fait deux paires aux As. Fermez le ban.
Il est idiot d’invoquer la malchance en cas de perte, surtout quand on a joué avec un tel mal de tête. Donc je ne le ferai pas, et je me bornerai surtout à signaler, pour ceux qui ne jouent pas en « limit », qu’il ne faut pas compter sur une capacité d’intimidation car celle-ci est très basse. A aucun moment vous ne pouvez faire all-in, sauf quand vous avez un tapis minuscule. J’ai eu la chance de tomber sur une table plutôt moyenne mais je n’ai pas pu en profiter et je crois aussi que je n’avais pas ma lucidité habituelle...
Peu importe : pour un premier tournoi WSOP 2007, il faut une mise en train et ce tournoi était idéal. En regagnant ma chambre, tour Masquerade, je passe près d’une serveuse, sexy comme toutes celles du Rio. Elle pose son plateau couvert de verres vides, grimpe sur un podium et se trémousse sur des morceaux de house music. Des dizaines de joueurs, qui font foule grouillante en ce dimanche, ne la quittent pas des yeux. Danse, petite, danse… Tu ne fais peut-être pas le plus beau métier du monde mais au moins tu ne te prends pas A-A dans la figure quand tu as K-K…