Deux bons romans de poker

Publié le par FMontmirel

Deux cas se présentent : vous voulez vous faire plaisir et vous ouvrir au-delà du poker tout en y gardant un pied, ou  vous avez un(e) copain/mari/copine/épouse fan du « roi des jeux » et vous voulez lui faire un petit cadeau sympa qui sorte du sempiternel dernier livre de Montmirel (ah ah).

 

Eh bien j’ai peut-être ce qu’il vous faut. Et en plus vous avez le choix entre un roman on va dire « sociétal » et un polar.

 

Commençons par le polar,  Macao Men, premier opus signé Gabriel Guillet chez Daphnis & Chloé. L’auteur a choisi l’exotisme de deux jeunes flambeurs qui s’envolent pour Macao rafler un maximum de billets. Seulement Macao est dangereux, on l’a tous vu dans le dernier James Bond, et si on ne veut pas rejouer la scène finale de Skyfall façon bol de riz et se retrouver à mâchouiller des pousses de bambou par la racine, la meilleure solution est encore de ne pas y traîner ses guêtres.

 

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Mais vous êtes tenace, têtu, braqué même, de ceux que plus on leur interdit, plus ils en veulent, et vous y allez quand même, non mais ! Bref, un Chinois en chaise roulante organise une méga-partie de poker dans un hôtel de luxe – jusque-là rien de spécial, même si la cave est à 200.000 dollars, là encore rien de spécial puisqu’on en a vu en vrai à un million… for one drop. L’ambiance est sexe (on fait des galipettes toutes les 20 pages), drogue (on se poudre le nez toutes les 20 pages aussi, après ou avant les galipettes), mais sans rock’n roll, si ce n’est entre deux abattages gagnants ou deux bluffs foireux. C'est la suite de la fameuse partie qui devient sympa pour l'amateur de polar, puisqu'évidemment, il y a eu machination, sinon ça ne valait pas le coup d'écrire cette histoire.

 

Le livre est construit intelligemment, en ce sens qu’il démarre assez classiquement, puis l’insolite prend place pas à pas, et page après page il devient de plus en plus poisseux… de sperme, de sang, de larmes. Le scénario compense certaines carences dans l’écriture, on voit que l’auteur est apprenti dans l’exercice, mais au final on est séduit car les idées nouvelles prédominent. Dommage que la mise en page soit… comment dirais-je… exécrable, mais l'auteur n'y est pour rien.

 

Quelques phrases qui donnent un aperçu de l’ambiance…

« [Vegas :] Les cars traversent des champs de ruines pour déposer des portefeuilles humains dans des palais artificiels. »

« Au bout de deux heures, Hercule sentit qu’il avait bien essoré ce joueur et commençait à éprouver une forte envie de se faire un trait de blanche. »

« Pour qu’un petit génie américain puisse s’acheter à vingt-trois ans une villa cossue à Beverly Hills, il faut que des centaines de retraités dilapident leurs pécules sur les tables. »

 

Passons maintenant au roman sociétal, Trois fois le loyer de Julien Capron, sorti chez Flammarion il y a un peu plus d'un an. Cette fois, on parle d’un écrivain déjà bien rodé (quatrième roman chez cet éditeur prestigieux, qui a déjà édité pas mal de romans sur le poker). Un style  maîtrisé, enlevé, par endroits d’une grande poésie crue. De la belle ouvrage d'écrivain qui a ça dans la peau, même si le lecteur tâtillon peut trouver le texte un peu verbeux ici ou là.

 

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L’histoire de base… Un couple de trentenaires qui peine à se fixer dans la vie doit lutter contre un fléau des temps modernes : tant que tu n’as pas de job fixe et bien payé ou une famille qui t’aide à coups d’injections successives de milliers d’euros, tintin pour louer même un petit appart à Paris. La capitale est devenue un endroit financièrement intenable sauf pour les rentiers, les artistes en vogue, les VIP et les joueurs de poker sponsorisés, ce que n’est pas le héros, qui s’appelle Cyril.

 

Jusqu’à la 100e page, j’ai cru que je m’étais trompé de bouquin, sans l'ombre d'un jeton ou d'une carte. Mais non. Car les 200 suivantes sont consacrées à 80% à un méga tournoi de poker, un winner-take-all de 3.000 concurrents avec à la clé un appartement parisien de 100 mètres carrés. En pleine crise du logement !

 

La belle écriture de l’auteur sert une histoire touffue qui se visualise comme un film – d’ailleurs un scénario pourrait en être tiré et ça pourrait faire un film-culte s’il est tourné intelligemment. Dans le descriptif des coups de poker, l’auteur commet pas mal de fautes techniques mais ce n’est pas grave puisque le poker est un argument, ce n’est pas le sujet du livre. Ce qui compte, ce sont les émotions, les espoirs, les larmes… et la morale, qui préoccupe l'auteur au point de faire subir à ses personnages les derniers outrages métaphysiques. Néanmoins l’auteur, bien que non spécialiste du poker, a tout compris de sa nature, à un point tel qu'avec son regard extérieur, il met en lumière certains aspects auxquels un spécialiste n'aurait pas forcément pensé.

 

Quelques phrases qui donnent un aperçu de l’ambiance…

« Il s’aperçoit qu’il s’est toujours réfugié dans l’échec comme dans une pureté. »

« La table est un miroir. Si tu as confiance en toi, elle te rendra ta confiance. Si tu as peur, elle te rendra ta peur. »

« Il faut oublier la vérité au poker, il faut se débarrasser de l’idée qu’on joue un coup pour voir si on est plus fort que l’autre. »

 

Deux livres très différents donc, mais qui rempliront d’enthousiasme les fondus de poker que nous sommes. Et n’oubliez pas : lire, c’est moins mourir !

 

Bonnes et heureuses fêtes de fin d’année à toutes et à tous !

 

Macao Men de Gabriel Guillet, Daphnis & Chloé, 244 p., 17€

Trois fois le loyer de Julien Capron, Flammarion, 381 p., 20€


Publié dans Livres

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A noter également une découverte ces derniers jours, Yann Hifrey "Engagée", une approche nouvelle du genre littéraire par l'intermédiaire du poker... Une passion amoureuse relue à travers le monde<br /> du poker. Un rapprochement très intéressant entre les différentes facettes du poker et d'une relation amoureuse, je recommande fortement. Disponible sur thebookedition.com.
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