Kerviel : un coup de poker raté de 4,9 milliards

Publié le par FMontmirel

La condamnation du trader de la Société Générale, Jérôme Kerviel, à 5 ans de prison (dont 2 avec sursis) et 4,9 milliards d’amende me laisse perplexe.

 

Voilà un homme qui a exercé le métier le plus pokérien du monde, en risquant chaque jour des millions d’euros pour le compte de ses clients, sous l'oeil bienveillant de son employeur. Il en touchait d'ailleurs de bons dividendes. Voilà un homme qui a manifestement dépassé la ligne jaune et qui, s’il jouait au poker, serait un fieffé tricheur banni de toutes les tables de la planète. Voilà un homme qui, physiquement, ne montre aucune réaction aux divers témoignages à charge ni même au verdict éléphantesque du président du tribunal, ce qui irrite au plus haut point les juges. Et voilà un homme qui se voit condamné au maximum, reconnu pleinement responsable de tous les chefs d’accusation que sont abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système informatique, de faux et usage de faux.

Si l’on suit les juges, la Société Générale est totalement innocente dans cette histoire, et c’est le démoniaque Jérôme qui a tous les torts. Cette banque, l’une des premières de France, aurait-elle eu des procédures de contrôle interne assez peu regardantes pour ne par s’apercevoir qu’il manquait 50 petits milliards dans ses caisses, ceux que Kerviel avait engagés sur les marchés au fil des jours ? (Pour info, la chute de Lehman Brothers en septembre 2008, le catalyseur de la crise, portait sur moitié moins).

 

Un homme seul, qui n’est pas non plus un expert en informatique, aurait déjoué les grands cadors du circuit imprimé, les rois de la sécurité des données, pendant des semaines ? Je trouve cela au moins aussi ahurissant que l’arnaque de Kerviel elle-même. Et je serais client de cette banque, je me poserais des questions sur la sécurité de mon argent. Rappelez-vous aussi que la Générale, cette année-là (2007) a, malgré cette affaire, réalisé un bénéfice de près d’un milliard. Elle n’en est pas morte, que je sache.

Mais mon propos n’est pas de remuer le fond de l’affaire, les analystes économiques s’en chargent très bien et ce n’est pas l’objet de ce blog.


 

Kerviel.jpg

Le Jérôme, en plein bluff, défie ses adversaires.

 

 

Je veux juste attirer votre attention sur le plus gros coup de l’histoire du poker, 4,9 milliards. Le coup que le joueur Kerviel a généré suite à ses relances délirantes, et qui, trois ans après, est gagné par la justice. En France, la réparation ne peut pas dépasser le préjudice, et le préjudice est bien de 4,9 milliards. La justice a donc décidé de raser le Jérôme au maximum, sans voir apparemment l’énormité de la somme, en tout cas pour un seul homme.

Le Jérôme est rasé, totalement broke, en tenue d’Adam, et même jusqu’aux os puisqu’il traîne une dette comme, je pense, aucun homme sur terre n’en a jamais eue (à part le distingué Madoff, hors concours). Tu parles d’un « last longer » ! Un record !

Il fait appel, mais rien ne dit que la condamnation sera revue à la baisse. Si la Générale exige le paiement de cette dette, il n’en a pas fini de payer. Ce sera saisie sur salaire chaque mois jusqu'au pardessus de sapin, et encore, pour ne payer que les intérêts colossaux que cette dette va générer. Et chaque mois, le joueur de poker de banque devra se contenter pour vivre du résidu insaisissable, autrement dit les 500 euros du RSA. Lui qui gagne actuellement dans les 2.500 euros mensuels. Et même s’il en gagnait 10 fois plus, cela ne changerait pas grand’chose.

Vous connaissez Sisyphe ? Ce père de trois enfants condamné par les dieux à faire rouler éternellement, dans le Tartare, un rocher jusqu'en haut d'une colline dont il redescendait chaque fois avant de parvenir à son sommet, tel que raconté dans L’Odyssée d'Homère. Il n’y a pas que dans les mythes antiques que le délire s’installe. Dans la justice française aussi. Kerviel est le Sisyphe moderne. Cette condamnation, c’est une prison à vie déguisée.

Le Jérôme a pourtant au moins une piste de sortie, que l’on pourrait appeler la « piste Tapie », en référence à cet autre joueur de poker, suite à sa condamnation dans l’affaire Adidas (pour laquelle il a été blanchi depuis, et pas qu’un peu). C’est de devenir auteur. De livres, de pièces, de scénarios, de chansons, de logiciels… de ce qu’il veut. Car la loi francaise est formelle : les droits d’auteur sont insaisissables.

Publié dans Humeurs

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A
<br /> La Société Générale exclut de réclamer l'intégralité des 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts infligés par la justice à Jérôme Kerviel.<br /> On trouve un unique coupable, ce qui permet d'épargner ses supérieurs hiérarchique, on le plombe à fond, et puis ont lui fait une grâce... grand seigneur.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> En cherchant sur Google on trouve plein d'autres témoignages de blogeurs sur cette affaire. La plupart sont septiques...L'opinion générale aurait elle changé d'avis...Il y a quelques mois Kerviel<br /> était seul contre tous...<br /> <br /> <br />
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