Moneymaker : bientôt 10 ans
Chris "Money" Moneymaker cherche une grosse valise pour rentrer à Nashville
Le 23 mai 2003 est une date historique pour le poker. Il y a bientot 10 ans, un petit comptable du Tennessee, remportait, dans un satellite à $39 sur un site récent nommé PokerStars, son ticket pour le Main Event WSOP à $10.000, qui commencerait le 19 mai au casino Binion's Horseshoe de Downtown Las Vegas. Fou de joie, mais croulant sous les problèmes financiers, le jeune homme a failli revendre sa place et faire une croix sur le voyage pour Vegas.
Il ne l'a pas fait, et le soir du 23 mai, il était plus riche de 2,5 millions de dollars, après avoir triomphé d'un field de 829 inscrits, ce qui était énorme pour l'époque. C'est à peu près le field d'un gros EPT actuel, donc c'était de toute facon un tournoi très dur à gagner, même s'il est évident que le niveau technique moyen était moins relevé qu'actuellement.
Or, contrairement à ce que beaucoup de langues fourchues avaient prévu à l’époque, Chris Moneymaker ne s’est pas effondré par la suite, même s’il a montré parfois des signes de fatigue. Cette décennie lui a quand même rapporté 1 million de gains de plus, pour une cinquantaine de places payées, dont 5 victoires (incluant 3 satellites, certes !). Ce n'est pas Byzance, mais combien de joueurs du circuit voudraient avoir un tel palmarès ? Et surtout, dix ans après, le symbole vivant est toujours là, autour des tapis verts.
Sam "Mr. Cool" Farha et son look de porte-flingue pour le film "Le Parrain"
Son adversaire de 2003, Sam Farha, la gueule de gangster, a ajouté 1,4 million dans la même décennie, mais on le sait surtout friand de cash-games, comme il le confesse dans son excellent livre Poker Omaha. Ce qui n'a pas empêché "Mr.Cool", le canaillou, d’empocher au passage 2 autres bracelets, en Omaha high-low (il avait gagné son premier bracelet en PLO, en 1996).
Quoi de spécial finalement ? Les plus jeunes pokermen qui me lisent sont excusés de ne pas le savoir : 2003 a été la première année où les WSOP ont accepté des joueurs qualifiés sur internet, dont le futur vainqueur de la saison cité plus haut. C’est un repère historique symbolique. Voilà 10 ans que le poker online fournit des joueurs aux plus grosses épreuves pokériennes live de la planète, parfois même au-delà de 50% du field.
Et il faut se rappeler de ce qu'était le poker online à l'époque (je m'en souviens comme si c'était hier, j'ai commencé le online en mai 2003). Plus de la moitié des tables jouées en ligne étaient en limites fixes, les joueurs de cash-game no-limit étaient considérés comme des cinglés, et des décus ou des ringards faisaient courir des bruits selon lesquels des robots agissaient sur les tables à la place des joueurs, voire que les donnes étaient faussées. Choses qui ont probablement eu lieu, mais qui ont très vite disparu. En revanche, ce qui était courant, c'est le blocage du serveur. D'un seul coup l'image se figeait sur l'écran, et au bout d'une demi-heure le site vous recréditait du buy-in avec un mot d'excuse. Ou encore, la panne réseau. Je me souviens encore avoir disputé un Sit&Go table pleine à $20 et avoir été déconnecté en 4e position. Après coup, j'ai pu constater que j'avais quand même terminé 2e. Je n'ai jamais su comment les deux autres ont pu laisser faire ca -- mais à l'époque, les joueurs étaient moins documentés qu'aujourd'hui, ils n'avaient pas tous lu Poker Sit&Go !
Tout cela pour dire que se qualifier online pour un grand tournoi live n'était pas aussi facile qu'aujourd'hui, et surtout ce n'était pas encore entré dans les moeurs. Et le fisc était encore loin d'imaginer qu'il pouvait se servir. Saint Moneymaker, priez pour nous !
Le bluff légendaire de Moneymaker en 2003
La main de la victoire en 2003
Le "match retour" joué en 2011 (condensé)