"Poker Power" 1/6 : Evelyn Ng
Evelyn Ng est une joueuse de cash-games qui a été formée en tournois par Daniel Negreanu. C'est donc naturellement que, dans le chapitre qui lui est réservé dans Poker Power, elle expose la stratégie que lui a apprise Daniel quand elle a joué pour la première fois en tournoi international. Vous trouverez ci-dessous le début de ce chapitre. Ce n'est pas la partie la plus novatrice du livre, mais elle rappelle de bons repères pour tous les joueurs qui débutent dans les tournois d'ampleur moyenne ou grande.
Théorie de tournoi à l’attention des joueurs novices (début du chapitre)
En haut de la liste de vos priorités doit figurer une bonne compréhension du montant à miser. Une relance à trois fois le montant du gros blind est, peu ou prou, considérée comme la relance standard au hold’em no-limit. Si les blinds sont à $50/$100, une relance à $300 est une relance du montant habituel en tournoi. Toute relance supérieure à celle-ci est considérée comme une grosse relance, alors que toute relance d’un montant inférieur à trois fois le gros blind est considérée comme une petite relance.
Mais tous les joueurs de tournois expérimentés ne suivent pas cette règle.
Si vous regardez jouer des gens comme Daniel Negreanu, Phil Ivey, David Williams, Todd Brunson et certaines autres superstars du jeu, vous remarquerez que le montant de leurs relances se rapproche en général de deux fois et demi celui du gros blind.
La raison pour laquelle cela fonctionne pour eux est simple. Ils veulent être impliqués dans plus de flops et forcer ainsi leurs adversaires à devoir prendre des décisions difficiles après le flop. Par la même occasion, ils risquent aussi moins de jetons lorsqu’ils tentent de voler les blinds.
Le montant des mises
C’est notamment par le montant des relances que la stratégie pour les joueurs débutants diffère du protocole traditionnel et de la stratégie small ball en tournoi. Contrairement à la stratégie standard et à la stratégie small ball, je suggère que vous relanciez préflop à quatre ou cinq fois le montant du gros blind.
Par exemple, aux blinds $50/$100, si le montant de votre relance est à $450 (4,5 fois le montant du gros blind), vous vous donnez une cote de 3 contre 1 (vous misez $450 pour gagner $150) sur votre tentative de vol des blinds. Un joueur small ball qui entre pour 2,5 fois le gros blind donne à son vol une cote de juste 5 contre 3 (il mise $250 pour gagner $150), soit une cote de 1,7 contre 1.
Si les blinds sont à $200/$400 avec neuf antes à $50, un joueur small ball, s’il fait sa relance standard à 2,5 fois le gros blind, risque $1.000 pour gagner $1.050 (cote légèrement meilleure qu’1 contre 1). En tant que joueur débutant appliquant les conseils de relances que je préconise, vous risquez près de $2.000 pour gagner $1.050 (très proche de 2 contre 1).
Quelle est la principale raison pour laquelle un joueur débutant devrait relancer davantage qu’un joueur de tournoi traditionnel et davantage qu’un joueur small ball ?
Les joueurs traditionnels expérimentés et les joueurs small ball ne s’inquiètent pas d’être suivis, ils veulent jouer les flops. Vous, le débutant, préférez ne pas être payé parce que vous voulez éviter de voir trop de flops.
Donc, quand vous vous retrouvez avec une main que vous allez jouer et qu’aucun joueur n’est encore entré dans le coup, choisissez un montant entre quatre et cinq fois le gros blind et relancez à ce montant.
Je vous recommande vivement de ne pas varier le montant de vos relances en fonction de la force de votre main. Vous ne devez pas afficher un quelconque modèle de mises face à des adversaires perspicaces qui pourraient le remarquer.
Par exemple, supposons qu’avec A-A et K-K, vous relanciez d’un montant légèrement inférieur dans le but d’être payé. Croyez-moi, les bons joueurs comprendront ce que vous êtes en train de faire et prendront rapidement l’avantage sur vous. Vous donneriez des informations sans même vous en rendre compte. Ma philosophie est que vous devez toujours les faire payer pour obtenir des informations sur votre style de jeu !
Mais en tant que débutant, vous devriez à mon avis commencer par relancer jusqu’à cinq fois le gros blind. Au fur et à mesure que vous améliorerez votre jeu en tournoi, vous pourrez légèrement réduire ce montant à quatre fois et demie puis à quatre fois le gros blind. Quand vous serez une superstar, vous pourrez éventuellement aller encore plus loin et réduire jusqu’à deux fois et demie le gros blind. Mais sur la ligne de départ, procédez étape par étape.
Voyons maintenant d’autres conseils concernant les mises préflop dans différentes situations.
Quand des joueurs sont déjà entrés dans le coup avant vous
Si un joueur a déjà suivi avant vous, vous devez faire une relance encore plus importante pour le chasser du coup. Ce que je ne veux pas que vous fassiez est de suivre après ce joueur. En fait, je ne veux pas que vous suiviez du tout avant le flop (à l’exception du cas où vous êtes de petit blind, ce que nous verrons par la suite).
Dès lors que votre but est de gagner les pots préflop et d’éviter de prendre des décisions difficiles après le flop, suivre ne doit pas faire partie du répertoire de vos actions de jeu. Suivre ne vous donne aucune chance de remporter le pot avant le flop. Et, à moins qu’un joueur ne relance, suivre vous garantit de jouer un flop dans ce qui pourrait être une situation marginale pour votre main. Un joueur débutant doit vivre et mourir en suivant cette devise : relancer ou passer avant le flop !
Donc, si avant le flop aucun joueur n’est entré dans le coup avant vous, vous devriez respecter la règle des cinq fois, c’est-à-dire relancer à cinq fois le gros blind. Si un ou deux joueurs ont suivi avant vous, relancez à sept fois le gros blind si vous voulez jouer le coup. Si plus de deux joueurs sont entrés dans le coup avant vous, relancez à neuf fois le gros blind.
Par exemple, aux blinds $100/$200, supposons qu’un joueur ait suivi avant vous. Si vous relancez à cinq fois le gros blind ($1.000), il est plus susceptible de suivre les $800 supplémentaires que si vous relanciez à sept fois le gros blind ($1.400) et qu’il lui faille alors rajouter $1.200. Ce montant plus important de la relance devrait mettre une pression suffisante sur votre adversaire pour qu’il réfléchisse à deux fois avant de vous suivre. N’oubliez pas que c’est cela que vous recherchez !
Je sais, sans aucun doute possible, que cette approche frustre réellement les joueurs plus talentueux tenant à garder préflop un montant du pot faible. Ils peuvent même essayer de vous dissuader de faire de fortes relances avant le flop, mais ne les écoutez pas. Tenez-vous en à votre plan de jeu et je peux vous garantir qu’ils vous haïront pour cela !
Quand un joueur a déjà relancé avant vous
Les choses deviennent un peu plus compliquées quand un joueur a relancé avant vous. Dès lors que votre devise est “relancer ou passer avant le flop”, vous allez exclure l’idée de suivre docilement les relanceurs et les suiveurs. À partir du moment où vous ne suivez jamais, le nombre de coups que vous pouvez jouer quand vous êtes confronté à une relance est limité.
La position du relanceur est un facteur important à prendre en considération avant de décider de la manière de jouer dans une situation donnée. Pour simplifier les choses, afin que vous n’ayez pas trop à vous préoccuper de la lecture des mains de vos adversaires ni à jouer à un jeu de devinettes compliqué, utilisez l’approche suivante : Jouez de manière conservatrice contre des relances faites en début de parole. Plus le relanceur est en fin de parole, plus vous devez être agressif.
Voyons un exemple. Vous avez A-Q dépareillés au bouton. Un joueur relance en premier de parole. Je suggère que vous passiez. Oui, passez ! Bien que vous ayez une main forte, un joueur qui relance en début de parole a en général une main plus forte.
Voyons maintenant un scénario presque similaire. Cette fois, vous avez A-Q dépareillés au petit blind. Un joueur relance à $300 en étant en fin de parole. Vous avez exactement la même main, mais cette fois vous voulez jouer. Pourquoi ? Parce que, dans cette situation, il est plus probable que votre adversaire soit en train d’essayer de voler le pot. La question est : De combien devriez-vous relancer ?
La réponse à cette question nous renvoie à une autre de nos règles : une sur-relance préflop doit être d’un montant égal à cinq fois la relance à laquelle vous êtes confronté.
Dans cet exemple, la relance était de $300, vous relanceriez donc d’un montant total de $1.500 (5 x $300 = $1.500). Ce montant devrait mettre une pression suffisante sur votre adversaire pour vous assurer qu’il ne vous paye pas juste pour tenter de mieux jouer que vous après le flop. S’il paye votre sur-relance, ou, pire, s’il vous sur-relance à son tour, le plus probable est que vous n’êtes pas dans une situation favorable avec votre A-Q. Le montant de votre relance vous aide clairement à le définir.
Nous discuterons plus loin dans ce chapitre de l’attitude à adopter s’il paye votre relance.
Quand vous êtes confronté à une sur-relance
En jouant un style de poker conservateur, mais néanmoins agressif, vous n’êtes pas confronté à autant de sur-relances que peut l’être un joueur plus large. Vos relances inspirent davantage de respect. Par conséquent, si un joueur vous sur-relance, sa sur-relance signifie généralement qu’il a une main légitimement forte que vous devez respecter.
Vous devrez passer face à une sur-relance à moins d’avoir une main de première catégorie ou qu’il s’agisse d’une sur-relance à tapis et que la suivre ne vous coûte pas beaucoup plus de jetons. L’éventail de mains que peut avoir un joueur qui fait tapis et qui n’a plus beaucoup de jetons devant lui est beaucoup plus large que celui d’un autre joueur. En d’autres termes, il joue plus de coups parce qu’il se retrouve souvent désespéré, faisant peut-être même tapis avec n’importe quelle main qui peut lui sembler jouable.
Si vous avez une main de première catégorie et qu’un joueur vous sur-relance, je vous conseille de ne pas être trop fantaisiste. Faites simplement une forte sur-relance avec n’importe laquelle des mains suivantes : A-A, K-K, Q-Q, A-K et J-J. Jetez toutes les autres mains dont les paires inférieures à T-T ainsi que A-Q. Souvenez-vous que cette stratégie n’est pas optimale, mais pour un novice qui, comme vous, débute dans le monde des tournois, la jouer est le plus sûr moyen de durer le plus longtemps possible. Cette approche vous donne une chance de gagner en étant agressif avec vos bonnes mains et en passant dans toutes les situations marginales.
Bien sûr, la lecture que vous avez de vos adversaires est à prendre en compte dans la manière dont vous gérez toute situation au poker. Au fur et à mesure que vous vous améliorerez comme joueur de tournoi, vous pourrez ajouter à votre répertoire d’actions le fait de simplement suivre. Dans l’ensemble, cette stratégie de départ, relancer ou passer, a pour but de rendre les tournois plus simples à jouer en utilisant un système basique grâce auquel vous n’avez ni besoin de réfléchir dans des situations difficiles, ni besoin de dévier d’une série d’actions.
Ce système de départ vous rend susceptible d’être piégé par un adversaire habile, il n’y a pas de doute là-dessus.
Par exemple, si vous touchez Q-Q et qu’un autre joueur touche A-A ou K-K, vous n’en êtes pas au stade de pouvoir vous sortir de ces pièges. Au lieu de cela, vous devez juste espérer avoir de la chance et toucher un meilleur jeu que celui de votre adversaire.
A-A, K-K et Q-Q sont des mains faciles à jouer pour vous. Naturellement, vous devez relancer ou sur-relancer avec ces mains à la moindre occasion.
J-J et A-K sont des mains avec lesquelles vous devez être légèrement plus prudent, particulièrement si vous pensez que votre adversaire peut avoir une main plus forte que la vôtre. Vous pouvez décider de jeter ces mains face à une sur-relance. Mais je ne vous recommande pas de passer, à moins d’en savoir suffisamment sur la manière de jouer de votre adversaire qui justifierait l’idée qu’il ait probablement A-A ou K-K.
La règle des 25%
La règle des 25% s’adresse particulièrement aux joueurs de tournoi débutants. Elle vous permet d’éviter de vous creuser les méninges et empêche vos adversaires de jouer mieux que vous dans des situations marginales.
La règle est simple. À chaque fois que votre relance standard représente au moins 25% de vos jetons, vous devez faire tapis. Réfléchissez-y attentivement et vous verrez pourquoi cette règle est efficace.
Voyons un exemple de la manière dont cela fonctionne. Imaginez que les blinds soient à $100/$200 et que votre tapis s’élève à $3.700 en jetons. Dès lors que votre relance standard est de cinq fois le gros blind, soit $1.000, faire cette relance représenterait plus de 25% de votre tapis. Donc, plutôt que de faire une relance à $1.000, il vous est plus utile de
faire tapis à $3.700.
La principale raison pour faire tapis dans cette situation est de vous éviter toute possibilité de catastrophe mathématique si vous êtes sur-relancé avant le flop. Si vous relancez à $1.000 et qu’un joueur vous sur-relance à tapis, vous avez une excellente cote du pot pour suivre, mais
qu’en est-il si vous avez une main marginale ? Au lieu de vous retrouver dans la situation de devoir prendre une décision difficile, le fait de relancer à tapis avant le flop rejette la prise de décision dans le camp de votre adversaire. S’il vous paye, il ne pourra pas mieux jouer que vous et vous verrez le tableau jusqu’à la river, quoi qu’il arrive !
La même règle s’applique également aux sur-relances. Par exemple, si un joueur relance à $600 aux blinds $100/$200, une sur-relance standard de votre part serait de $3.000, cinq fois la mise précédente. Si le montant de votre tapis est inférieur à $12.000 (25% de $12.000 font $3.000), vous devez alors faire une grosse sur-relance et miser la totalité de votre tapis.
Cela peut sembler risqué, mais je le répète, cela vous permettra d’éviter d’avoir à prendre des décisions difficiles. Maintenant, supposez que le montant de votre tapis s’élève à $10.000 et que vous relanciez à $3.000. Un joueur vous sur-relance à tapis. Comme vous avez déjà investi 30% de vos jetons, votre énorme cote du pot vous pousse à suivre.
Je ne saurais trop vous conseiller de vous souvenir cependant qu’un joueur qui sur-relance une sur-relance avant le flop a presque toujours une main très forte. Néanmoins, en tant que joueur de tournoi débutant, il peut être difficile pour vous de percevoir la force de la main de votre adversaire. Vous aurez probablement aussi des difficultés à décider si oui ou non vous devriez suivre avec les $7.000 qui vous restent face à l’éventail de mains que votre adversaire pourrait avoir. En misant votre tapis avant le flop plutôt qu’en faisant votre sur-relance standard, vous évitez totalement ce problème mathématique. Ensuite, vous n’avez plus qu’à espérer que tout se passe pour le mieux !
Suivre cette stratégie d’enchères lors du tournoi Ladies Night du WPT m’a bien réussi. Lorsque mes adversaires virent que je relançais avec de bonnes mains, cela les découragea d’essayer de me sur-relancer. Je gagnais des pots, même s’il faut bien l’admettre, ce n’étaient pas des pots énormes. Mais cela me convenait parce que je ne voulais pas jouer un jeu trop sophistiqué. Cela fonctionna pour moi parce que je ne savais pas vraiment faire preuve de fantaisie. D’avoir élaboré un système avant d’entrer dans le tournoi fit que je me sentis beaucoup plus à l’aise à la table.
De plus, la stratégie de Daniel pour les débutants fut pour moi très efficace, surtout dans le cadre de cet événement où la pression était très forte.
© Fantaisium 2010. Traduction Samantha Delmas. Tous droits réservés.
Extrait du livre Poker Power qui paraitra le 29 janvier 2010. Les articles suivants seront des extraits signés Todd Brunson, Erick Lindgren, Paul Wasicka, David Williams et Daniel Negreanu.