Projet de loi : les cartes bientôt abattues ?
Le projet de loi sur l'ouverture des jeux en ligne à la concurrence a été voté la semaine dernière au Sénat en première lecture, et il revient maintenant devant les députés. J'entendais hier sur BFM une interview du président de la Francaise des Jeux, Christophe Blanchard-Dignac, qui ne cache plus maintenant son partenariat avec Barrière, lequel en a un aussi avec TF1 - on voit un triumvira puissant qui se dessine, d'où seront juste absentes les courses de chevaux.
Ne nous y trompons pas. Ce sont bien sûr les paris en ligne qui sont visés en premier, car le potentiel est énorme, surtout à l'approche de la Coupe du Monde de Football. On parle ici de plusieurs centaines de millions d'euros de chiffre d'affaire annuel, rien que pour la FDJ (qui en a réalisé presque 10 milliards en 2009).
Voici les dispositions sur lesquelles les sénateurs se sont mis d'accord :
Jeux concernés
- Paris hippiques: mutuels (comme le PMU) et non à cote (bookmakers)
- Paris sportifs: paris à cote (comme la Française des Jeux) et en direct sur des épreuves réelles validées par les fédérations
- Poker
- Paris en «Live betting» (paris pendant le déroulement de l'événement)
Jeux exclus
- Machines à sous et jeux de casinos (je persiste à dire que c'est une sottise de les exclure car cela obligera les joueurs actuels à se rabattre sur les sites illégaux), sauf jeux de cercles (poker)
- Paris en «spread betting» (pari sur un événement sans connaître à l'avance le montant de ses pertes)
- Paris en «betting exchange» (échanges de paris)
Outils
- Création d'une Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) avec un collège de 7 membres. 3 membres dont le président nommés par décret, 2 par le président de l'Assemblée nationale et 2 par le président du Sénat. Mandat de 6 ans non révocable.
- Création d'un Comité consultatif des jeux avec notamment un observatoire des jeux.
Blocage des sites d'opérateurs illégaux
- Décision prise par un juge et non l'Arjel
Licences
- 5 ans renouvelables.
- Cahier des charges avec clauses générales et clauses spécifiques en fonction du jeu
Obligations des opérateurs
- Ne pas être domicilié dans un paradis fiscal
- Séparation comptable pour les activités en France
- Domiciliation bancaire des joueurs en France
- Interdiction «d'anonymiser» les moyens de paiement
- Nécessité d'un correspondant permanent en France
- Reconnaissance d'un droit de propriété payant pour les organisateurs d'évènements faisant l'objet de paris. Ils peuvent déléguer ce droit aux fédérations.
- Contrôle de l'identité du joueur avec la création d'un code d'accès des joueurs, pour limiter l'inscription de robots informatiques. Il s'agit d'interdire aux «hackers» (pirates informatiques) de jouer par le biais de machines.
Interdictions et sanctions
- Interdiction de l'alimentation des comptes des joueurs vers les sites non agréés
- 3 ans de prison et 45.000 euros d'amende (7 ans et 100.000 euros en bande organisée) pour organisation illégale de jeux
Encadrement de l'offre
- Plafonnement du taux de retour aux joueurs dans une fourchette de 80% à 85%
- Une partie des recettes affectée pour la lutte contre l'addiction aux jeux (10 millions d'euros)
- 1,3 % des recettes sur paris sportifs affecté au Centre national pour le développement du sport (CNDS)
- 15% de la fiscalité poker versés au Centre des monuments nationaux
Fiscalité
- 7,5% sur les paris sportifs et hippiques (contre 9,5% actuellement pour le hippique)
- 2% sur le poker avec plafond de 1 euro par donne
Publicité
- Autorisée pour les opérateurs agréés, assortie d'un message de mise en garde (c'est bien sûr cette disposition qui intéresse le plus les opérateurs et qui les font accepter de laisser à l'Etat une part de leur galette)
- Interdite dans les publications pour les mineurs ainsi qu'à la la TV et à la radio durant les périodes où sont programmées des émissions pour mineurs. Interdite au cinéma lors de films destinés aux enfants et adolescents et sur le site internet destiné à ces mêmes films.
- Interdite pour les sites non agréés
- Amende prévue : 100.000 euros
J'ai mis en rouge ce qui nous intéresse surtout, à savoir :
- Domiciliation bancaire des joueurs en France. Comme on l'a déjà vu, fini les parties contre des Chinois, des Russes et des Ricains, chute des effectifs dans les sites, donc rétrécissement du choix des tournois et des parties... Et du côté des sites, bataille sanglante pour gagner le moindre client en plus. Conséquence duraille pour les opérateurs et sites d'affiliation : tout l'historique des affiliations sera perdu, donc les investissements en publicité et communication tombent à l'eau.
- Interdiction de l'alimentation des comptes des joueurs vers les sites non agréés. Pour empêcher les petits malins d'aller jouer dans les sites internationaux, les flux bancaires seront limités aux sites avec licences francaises. Donc même si Partouche ouvre un site en francais à l'étranger comme il le dit, il ne pourra pas avoir de clients francais. Evidemment il sera difficile de contrôler les flux net-net, comme d'un compte en ligne vers un site illégal... ;)
- 2% sur le poker avec plafond de 1 euro par donne. Au départ c'était 2% sans plafond (tollé !). Puis avec un plafond à 0,90 euros. Cette fois, c'est avec plafond d'1 euro. Nos élus n'ont pas l'air de se rendre compte qu'un joueur de poker est aussi quelqu'un qui sait compter, et qui ira là où le plafond est le moins douloureux pour son R.O.I., donc dans les parties les plus chères. Cette disposition pousse donc à jouer cher, l'effet contraire que veulent nos gouvernants !
En gros, si on dit qu'un cash-game génère en moyenne des pots de 10 BB (en moyenne, hein), le prélèvement fiscal baissera à partir des parties à 1-2 euros, donc pour des buy-ins de départ de 200 euros. Si on applique à ce chiffre le taux multiplicateur de 40 (minimum !) pour la gestion financière raisonnée des parties de cash-games, cela concerne les joueurs qui ont une bankroll d'au moins... 8.000 euros ! On sait bien qu'ils ne sont pas si nombreux et que le gros des joueurs, outre les joueurs de play money, se trouvent dans les tables à 0,10-0,20 et 0,25-0,50, donc qui subiront à plein le prélèvement de 2%. A moins que le site ne décide de diluer complètement ce prélèvement dans son propre prélèvement pour le rendre "indolore"... ce qui se passera probablement, d'ailleurs.
Nous autres joueurs de poker n'avons pas de chance. Autant les choses sont simples pour les parieurs en ligne, autant pour nous qui nous affrontons les uns les autres, nous posons des problèmes difficiles à résoudre à nos gouvernants...
(infos d'origine)