Question de profondeur
Le week-end dernier, j'ai fait un tour à Deauville en marge de l'European Poker Tour, pour y disputer deux tournois, le 550 et le 330 turbo.
Curieusement, j'ai terminé à la 24e place dans les deux. Mais alors qu'il y avait 18 places payées dans le 550, il n'y en avait que 9 dans le 330. Bref, dans un cas je suis passé tout près des places payées, et dans l'autre, plutôt loin. Mais si c'était pour écrire cela, j'aurais pu rester couché, aussi comme vous vous en doutez ce n'est pas le sujet de ce post.
Il y a une antienne, ou une arlésienne si vous préférez. Quand arrivent les très gros blinds comme 1000-2000 ante 200, il y a toujours un joueur à la table pour faire remarquer que les tapis sont très peu profonds, que "le M moyen est de 6 ou 7, alors que dans les US c'est toujours entre 25 et 35, au moins ! C'est vraiment une structure de m...".
En l'occurrence, la remarque ne venait pas dans le 330, qui était de toute façon turbo (niveaux de 15 mn !), mais dans le 550, dont les niveaux étaient de 30 mn.
La remarque en question n'émane sûrement pas d'un joueur qui a fait le tour du monde du poker... Ou alors, il l'a fait tellement vite qu'il n'a pas eu le temps de disputer les tournois en passant. Car si vous participez à des tournois à $500 en marge des WSOP, comme on en trouve par exemple au Caesars ou au Venetian en juin-juillet, eh bien c'est la même chose : on se retrouve à des profondeurs ridicules quand les choses commencent à devenir sérieuses.
Alors, à quoi cela tient-il, à tapis de départ égal ?
A la durée des niveaux. Les joueurs doivent recevoir un nombre de mains assez important pour générer des combats qui engagent de grosses quantités de jetons et génèrent des gros transferts de masses. Après quoi, le joueur qui a perdu les 3/4 de son tapis se met en mode survie et comme on sait, quel que soit son talent, il a plus de chance d'y laisser sa peau que de s'en sortir.
C'est pour cela que les tournois avec des niveaux de 60, 90 et 120 minutes génèrent des tapis profonds en table finale : le rythme d'élimination des joueurs est plus rapide que celui de l'augmentation des blinds.
D'ailleurs, faisons une petite hypothèse pratique. Admettons que les joueurs aient tous les mêmes critères d'engagement de leurs jetons et une range identique, en moyenne celle-ci en fonction de leur position :
- 7-7+
- A-Q+
C'est-à-dire que s'ils ont au moins paire de Sept ou A-Q, ils vont attaquer et contre-attaquer préflop, puis adopter diverses tactiques au flop selon les critères habituels, dans le désordre : hauteur du tapis adverse, style adverse, position, profondeur du tapis, proximité de la bulle, etc.
Avec ces données, tous les 12 coups il y aura accrochage entre au moins 2 mains appartenant à cette range. Et l'expérience montre qu'à partir d'un certain niveau de blinds, pour des tapis peu profonds, ces rencontres génèrent presque toujours des envois du tapis préflop.
Si on adopte une même progression des blinds dans 2 tournois, mais dans un tournoi A, les niveaux durent 30 mn et dans le tournoi B, ils durent 60 minutes, c'est simple : le nombre d'accrochages sérieux sera multiplié par 2 dans le tournoi à niveaux longs. Donc quand les joueurs arriveront au niveau 1000-2000+200 (pour reprendre cet exemple du départ), ils seront nettement moins nombreux dans le tournoi B que dans le tournoi A. Comme moins de joueurs se partagent le même nombre total de jetons, chaque tapis est en moyenne plus profond. Expliqué de cette manière, ca a tout d'une évidence, mais quand on se trouve à la table du joueur fulminant qui en veut à la structure, c'est peut-être moins le cas.
C'est une affaire de temps, rien d'autre.
Il m'est arrivé de jouer dans un tournoi aux niveaux de 25 minutes mais à la progression des blinds très douce :
25-25
25-50
50-100
75-150
100-200
125-250
150-300
200-400
250-500
300-600
400-800
500-1000
600-1200
800-1600
1000-2000
1200-2400
1500-3000
etc.
C'est aussi une manière de régler le problème mais je la trouve moins saine. Car passer d'un niveau à un autre n'implique presqu'aucune adaptation pour le joueur, ou si peu. Cet effet est accentué par l'absence d'antes, qui efface plus encore les points d'inflexion. Mieux vaut suivre des niveaux plus longs mais respectant une structure plus conventionnelle, qui maintienne les points d'inflexion et obligent les joueurs à traverser les diverses phases stratégiques dotées des adaptations nécessaires pour faire les bons choix entre survivre et viser le leadership. Selon moi, c'est un défi permanent qui départage davantage les bons joueurs des mauvais.
Une structure "conventionnelle" étant, par exemple :
25-50
50-100
75-150
100-200
100-200+25
150-300+25
200-400+50
300-600+50
400-800+100
600-1200+100
800-1600+200
1000-2000+200
1500-3000+300
etc
Curieusement, j'ai terminé à la 24e place dans les deux. Mais alors qu'il y avait 18 places payées dans le 550, il n'y en avait que 9 dans le 330. Bref, dans un cas je suis passé tout près des places payées, et dans l'autre, plutôt loin. Mais si c'était pour écrire cela, j'aurais pu rester couché, aussi comme vous vous en doutez ce n'est pas le sujet de ce post.
Il y a une antienne, ou une arlésienne si vous préférez. Quand arrivent les très gros blinds comme 1000-2000 ante 200, il y a toujours un joueur à la table pour faire remarquer que les tapis sont très peu profonds, que "le M moyen est de 6 ou 7, alors que dans les US c'est toujours entre 25 et 35, au moins ! C'est vraiment une structure de m...".
En l'occurrence, la remarque ne venait pas dans le 330, qui était de toute façon turbo (niveaux de 15 mn !), mais dans le 550, dont les niveaux étaient de 30 mn.
La remarque en question n'émane sûrement pas d'un joueur qui a fait le tour du monde du poker... Ou alors, il l'a fait tellement vite qu'il n'a pas eu le temps de disputer les tournois en passant. Car si vous participez à des tournois à $500 en marge des WSOP, comme on en trouve par exemple au Caesars ou au Venetian en juin-juillet, eh bien c'est la même chose : on se retrouve à des profondeurs ridicules quand les choses commencent à devenir sérieuses.
Alors, à quoi cela tient-il, à tapis de départ égal ?
A la durée des niveaux. Les joueurs doivent recevoir un nombre de mains assez important pour générer des combats qui engagent de grosses quantités de jetons et génèrent des gros transferts de masses. Après quoi, le joueur qui a perdu les 3/4 de son tapis se met en mode survie et comme on sait, quel que soit son talent, il a plus de chance d'y laisser sa peau que de s'en sortir.
C'est pour cela que les tournois avec des niveaux de 60, 90 et 120 minutes génèrent des tapis profonds en table finale : le rythme d'élimination des joueurs est plus rapide que celui de l'augmentation des blinds.
D'ailleurs, faisons une petite hypothèse pratique. Admettons que les joueurs aient tous les mêmes critères d'engagement de leurs jetons et une range identique, en moyenne celle-ci en fonction de leur position :
- 7-7+
- A-Q+
C'est-à-dire que s'ils ont au moins paire de Sept ou A-Q, ils vont attaquer et contre-attaquer préflop, puis adopter diverses tactiques au flop selon les critères habituels, dans le désordre : hauteur du tapis adverse, style adverse, position, profondeur du tapis, proximité de la bulle, etc.
Avec ces données, tous les 12 coups il y aura accrochage entre au moins 2 mains appartenant à cette range. Et l'expérience montre qu'à partir d'un certain niveau de blinds, pour des tapis peu profonds, ces rencontres génèrent presque toujours des envois du tapis préflop.
Si on adopte une même progression des blinds dans 2 tournois, mais dans un tournoi A, les niveaux durent 30 mn et dans le tournoi B, ils durent 60 minutes, c'est simple : le nombre d'accrochages sérieux sera multiplié par 2 dans le tournoi à niveaux longs. Donc quand les joueurs arriveront au niveau 1000-2000+200 (pour reprendre cet exemple du départ), ils seront nettement moins nombreux dans le tournoi B que dans le tournoi A. Comme moins de joueurs se partagent le même nombre total de jetons, chaque tapis est en moyenne plus profond. Expliqué de cette manière, ca a tout d'une évidence, mais quand on se trouve à la table du joueur fulminant qui en veut à la structure, c'est peut-être moins le cas.
C'est une affaire de temps, rien d'autre.
Il m'est arrivé de jouer dans un tournoi aux niveaux de 25 minutes mais à la progression des blinds très douce :
25-25
25-50
50-100
75-150
100-200
125-250
150-300
200-400
250-500
300-600
400-800
500-1000
600-1200
800-1600
1000-2000
1200-2400
1500-3000
etc.
C'est aussi une manière de régler le problème mais je la trouve moins saine. Car passer d'un niveau à un autre n'implique presqu'aucune adaptation pour le joueur, ou si peu. Cet effet est accentué par l'absence d'antes, qui efface plus encore les points d'inflexion. Mieux vaut suivre des niveaux plus longs mais respectant une structure plus conventionnelle, qui maintienne les points d'inflexion et obligent les joueurs à traverser les diverses phases stratégiques dotées des adaptations nécessaires pour faire les bons choix entre survivre et viser le leadership. Selon moi, c'est un défi permanent qui départage davantage les bons joueurs des mauvais.
Une structure "conventionnelle" étant, par exemple :
25-50
50-100
75-150
100-200
100-200+25
150-300+25
200-400+50
300-600+50
400-800+100
600-1200+100
800-1600+200
1000-2000+200
1500-3000+300
etc