Ceux qui gagnent au poker sont différents
Ceux qui gagnent au poker sont-ils vraiment différents ?
A cette question judicieuse, le psychologue et joueur de poker américain Alan Schoonmaker est formel : OUI, les Gagnants au poker sont bien différents. Pas différents au sens physiologique bien sûr, mais mental. Il n’aborde pas la question rebattue de l’inné et de l’acquis, et n’emploie pas le mot de « génie » qui est la bouteille à l’encre de la psychologie de comptoir. Il préfère (et il a raison) constater ce que font les Gagnants et ne font généralement pas les Perdants, et faire état de cette différence en détail au fil de 22 chapitres détaillés.
Des exemples ?
Les Gagnants se focalisent sur les autres (chapitre 8). Sur cette question, Schoonmaker résume en disant que « plus on a une information tôt sur un adversaire, mieux c’est, et moins de personnes la détiennent, plus elle a de valeur ». Concept de l’exclusivité : comme un journaliste, vous détenez un scoop, alors gardez-le pour vous et exploitez-le. Ce peut être une gestuelle, un schéma de mise particulier, un signal tactique dévoilant la force ou la faiblesse… L’auteur dissocie de cette manière l’information à court, moyen et long terme acquise sur les adversaires. Les Gagnants exploitent à fond cet élément. Les Perdants, peu.
Les Gagnants accélèrent en rush positif (chapitre 21). C’est un concept que l’on retrouve couramment dans les jeux, y compris dans les jeux de hasard pur, sous la forme par exemple vertueuse de « montante en gain » (plus on gagne, plus on joue fort). Toujours extrême dans ses formulations, Doyle Brunson écrit dans Poker Super System : « Si vous avez un rush gagnant, vous devez prolonger ce rush. (…) Si j’ai gagné un coup en no-limit, j’ai l’habitude de foncer dans le coup suivant sans même regarder mes cartes. »
Son corollaire est qu’en rush perdant, le Gagnant doit accepter de serrer les freins. Or, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais beaucoup de joueurs font le contraire : en phase de perte, ils jouent plus gros et plus risqué « pour se refaire ». Ca, c’est vraiment perdant comme réaction !
L’auteur dégage certains concepts dérangeants. Exemple : des joueurs qui brillent à table sont en fait des Perdants. D’autres, moins doués au poker, sont pourtant des Gagnants. L’exemple le plus frappant est celui de Stu Ungar, qui était sans doute le plus grand génie du poker de son temps, et c’était pourtant un Perdant (lire l’excellent Joueur-né, sa biographie par Nollan Dalla).
Certains grands champions actuels sont aussi des Perdants, et sans leurs contrats de sponsoring, il seraient depuis longtemps 6 pieds sous terre avec une seringue dans le bras. C’est aussi le cas de joueurs plus locaux, admirés aux tables pour leur succès, mais incapables de gérer efficacement leur bankroll ni de se maintenir dans des conditions optimales de jeu.
Autre point curieux que l’auteur souligne : les Gagnants ne sont pas toujours des gens équilibrés. Le poker est devenu tellement concurrentiel de nos jours qu’on peut être un Gagnant sans être sympa aux tables (Phil Hellmuth, Tony G), sans avoir une vie épanouie par ailleurs, en étant refermé sur soi. Certains joueurs que je ne nommerai pas ont l’air un peu « autistes » : on ne les imagine pas en-dehors d’une table de poker, ce sont des espèces de bêtes de poker qui n’ont apparemment aucune valeur humaine. Une légende dit que Stu Ungar allait jusqu’à ignorer le nom du président des Etats-Unis…
Schoonmaker admet que gagner au poker, pour beaucoup de joueurs, signifie aussi avoir une vie déphasée de la réalité et pâtir d’une mauvaise image. Le fait n’est pas systématique car certains Gagnants ont une vie équilibrée et diverse, mais beaucoup de joueurs ne deviennent pas Gagnants parce qu’ils refusent d’écorner leur vie personnelle. Ils ne passeront pas de l’autre côté du miroir.
Dissociez bien le mental de l’émotionnel. Les Gagnants sont froids, ne ressentent jamais de désir de vengeance, ne donnent pas de conseils, ne s’estiment jamais brimés, encaissent les bad beats sans faillir. Il peut tout leur arriver, leur résilience est maximum. Ils ont un recul par rapport au jeu qui leur permet de se focaliser à fond sur le jeu et rien que sur le jeu. Combien de fois avez-vous mal joué après avoir pensé qu’un joueur vous sur-agressait ? Combien de fois avez-vous prononcé la phrase « Pourquoi relances-tu toujours ma grosse blind ? » A chaque fois que l’émotionnel s’invite dans le mental, votre jeu s’altère, il perd en force, fait apparaître des carences et vous perdez l’avantage.
L’auteur a eu l’excellente idée d’ajouter dans chaque chapitre un quiz dans lequel le lecteur se situe par rapport au contenu du chapitre. Il sait ainsi quels sont les points qu’il doit travailler.
Il a aussi réuni les points importants en « lois des Gagnants ». Il y en a 91 en tout, comme par exemple : « Acceptez le fait que le temps, l’argent et les efforts perdus le soient à jamais ». Ou encore : « Ne cherchez pas d’excuse : assumez vos résultats. » Ou encore : « Ne présumez pas que vous avez une très bonne intuition. » Chacune est bien sûr commentée. On croise d’ailleurs ici quelques propos présents dans l’excellent Poker Tao de Larry W. Phillips, livre très complémentaire de celui-ci.
Au final, un livre-outil qui aura un grand mérite, celui de mettre en évidence vos faiblesses mentales par rapport au poker. Certains joueurs refusent qu’on mette le doigt là où ca fait mal. Qu’ils continuent de perdre avec l’illusion d’être le jeu de la malchance, c’est leur problème. D’autres, au contraire, cherchent à progresser quitte à remettre en question leurs habitudes, leur vision de la réalité pokérienne. C’est à ceux-là que s’adresse ce livre, et ce sont eux qui deviendront les Gagnants de demain.
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Titre : Ceux qui gagnent au poker sont différents
Auteur : Alan N. Schoonmaker
ISBN : 978-2-917425-26-8
Format : 17 x 17 cm
336 pages
Prix public : 14,25€
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