Poker et Roulette
A part le fait qu’on joue à ces deux jeux dans des casinos, tout semble opposer le poker et la roulette :
- Le poker est un jeu de cartes, la roulette est un jeu de roue, un jeu de pari.
- Le poker est un jeu de commerce (votre adversaire est un autre être humain, le casino ne fait que prendre une commission sur les pots), la roulette est un jeu de contrepartie (vous affrontez le casino).
- Au poker, le nombre de situations différentes est innombrable. A la roulette, il est réduit, même si les formules de mise sont variées.
- Au poker, vous exploitez le hasard car vous pouvez quitter le coup lors d'un des 4 tours d'enchères successifs. A la roulette, vous le subissez jusqu'au verdict final, car il n'y a qu'un seul tour de mise.
- Vous pouvez jouer au poker en ligne, pas à la roulette (du moins, pas officiellement – et d’ailleurs je déconseille de le faire, vu les possibilités de tricherie).
- Au poker, si vous êtes performant, vous avez un « edge » face à un adversaire donné, mais aussi face à un field d’adversaires dans le cas d’un tournoi, ou face à une table complète si c’est du cash. Dans le cas du cash, si la rotation des joueurs fait que la table s’est endurcie avec les heures, vous pouvez (devez) la quitter car vous avez perdu votre edge. Donc au fil du jeu, votre avantage fluctue selon la force adverse, et peut même devenir un désavantage. A la roulette, quoi que vous fassiez, vous subissez durablement l'edge de la roulette. Et l’edge que le joueur subit est toujours le même, quoi qu’il fasse (en fait il y a 2 valeurs d’edge, voir plus loin).
Pourtant, il y a au moins cette similitude : dans les deux cas, on cherche l’effet de levier. Au poker, ce sera le tournoi, où seuls 10 à 20% des joueurs finissent dans l'argent, et où le gagnant prend généralement le double du second, qui prend généralement le double du suivant, les différences étant moins marquées pour les autres. Tous les joueurs de tournoi recherchent la première place parce que c’est de loin la mieux payée, et qu’elle peut rapporter parfois plus de 1.000 fois leur buy-in, ce qui peut suffire à financer un mois voire un an de poker (ou une vie, dans le cas du main-event des WSOP). Dans le cas du cash, vous recherchez les lieux et les horaires où la clientèle offre le plus de viande autour de l’os, ce qui est une autre forme d'effet de levier. A la roulette, vous recherchez la variance positive dans la suite des numéros sortis, et suivant le système que vous utilisez, cela fera s’envoler vos gains. Certains systèmes de roulette n'ont même pas besoin d'une grosse variance pour gagner – d'autres sont même gagnants avec une variance légèrement négative (comme la montante d'Alembert bridée avec un stop-win, ou encore la Labouchère bridée, que je décris dans mon livre).
Beaucoup de joueurs de poker qui viennent de se faire éliminer d’un tournoi se dirigent vers une roulette pour se calmer l’esprit… souvent dans l’idée de récupérer leur buy-in. D’autres vont vers la table de blackjack, jeu ultra-technique dont peu maîtrisent les arcanes. D’autres encore s’assoient à la table d’ultimate poker, cette parodie de poker qui est lui aussi EV–.
Fin 1984, après mon premier livre sur le poker, mon éditeur voulait un livre sur les jeux de casino. Et comme j’étais étudiant et que j’aimais le jeu, j’ai signé des deux mains… sans rien connaître au sujet. Mais comme il était hors de question que je rende une mauvaise copie, je me suis documenté et immergé dans les casinos. Un jeu m’a tout de suite subjugué : le blackjack, au point que je sois devenu pro en 1991, après pas mal d'entraînement et après avoir dévoré les bouquins d'Edward O. Thorp, Ken Uston et Arnold Snyder. J’ai écrit un premier traité de blackjack en 1992, Blackjack Gagnant. Je me vois encore avec mes exemplaires sous le bras visiter le chef du rayon « livres pratiques » de la Fnac Forum. Il m’a reproché le prix : 249F (soit 58€ de 2021, d’après le convertisseur en ligne de l’INSEE). Comme il refusait de me les prendre, je lui ai proposé un essai avec deux exemplaires, et de les lui reprendre s’ils restaient en rayon. Cet homme avisé a accepté. Deux jours après, je recevais un coup de fil de sa part pour 12 nouveaux exemplaires. Il m’en a pris comme ça 12 toutes les semaines, puis c’est la centrale d’achat Fnac qui m’en a pris une centaine pour les différents magasins de la chaîne. J’en ai vendu 1.000 en un an. Je n’irai pas plus loin sur ce sujet, j’y reviendrai sûrement quand je ferai un article sur le blackjack, si mes lecteurs le demandent.
Donc en matière de jeux de casino, c’est surtout le blackjack qui m’a intéressé dans un premier temps, même si je jouais déjà au poker depuis… 1976, avec mes copains de collège. Le poker a été mon jeu de prédilection, et l’est encore aujourd’hui. Le blackjack, j'y ai moins joué à partir de 1992, d'abord parce que c'est un jeu qui devient assommant à la longue, ensuite parce que les tournois internationaux de poker ont commencé pour moi en 1992 -- il y a eu effet de substitution, effet accentué en janvier 1995 avec l'ouverture de la salle de poker de l'Aviation Club de France au 104 Champs-Elysées (aujourd'hui le club Barrière), qui deviendra mon cercle de poker référence.
LE jeu emblématique du casino reste la roulette. Dostoïevski a écrit un livre entier sur le sujet (Le Joueur), magnifique roman moitié autobiographique, moitié fictionnel. La roulette est LE grand jeu de casino, tellement addictif qu’en France il fut interdit en 1837, pour n’être de nouveau autorisé qu’en 1932… Près d’un siècle de frustration pour les joueurs, ce qui a permis le développement de Monte-Carlo et des casinos des rives du Rhin, comme Baden-Baden.
J’ai écrit plus haut qu’on est perdant sur le long terme face à la roulette. C’est une loi d’airain, simplement parce que le risque pris par le joueur est constamment sous-rémunéré, ce qui induit deux edges négatifs de 2,70% et 1,35% :
- Il y a 37 numéros (de 0 à 36) et chaque numéro est payé 36 fois la mise (35 fois au joueur, plus la mise de base). Il manque toujours une mise dans le gain, et elle représente la commission du casino, soit 1/37 = 2,70%. Toutes les mises groupées sur plusieurs numéros sont calculées sur la base de 36 numéros au lieu de 37. Par exemple le carré, où vous misez en une fois sur 4 numéros, est payé 9 fois la mise (8 pièces au joueur, plus la mise de base), mais il devrait être payé 9,25 fois (= 37/4).
- Pour les mises sur les 6 chances simples (numéros 1 à 18, numéros 19 à 36, impairs, pairs, rouges ou noirs), la sortie du zéro fait perdre seulement la moitié de la mise. Sur ces 6 chances simples, le joueur de roulette subit donc une commission moindre, égale à 1/74 = 1,35%.
Quelle que soit la manière dont vous combinez les différentes chances entre elles, dont vous modulez vos mises en fonction des numéros sortis, dont vous gérez votre capital de départ, vous pouvez calculer à tout moment votre espérance mathématique et elle sera toujours de 97,3% sur les numéros ou groupes de numéros, et de 98,65% sur les chances simples (ce qui est une autre manière de dire que la commission du casino est de 2,70% ou de 1,35%). Si cette phrase choque quelqu’un, qu’il me prouve le contraire avec des arguments inattaquables, je serai ravi de publier sa démonstration sur mon blog, si tant est que cette démonstration ne contient pas d’erreur.
Donc la roulette est déséquilibrée, et c’est même la condition sine qua non pour que la roulette survive. Si la roulette était équilibrée, je pense que les casinos seraient toujours gagnants car ils continueraient à exploiter les deux autres grandes faiblesses du joueur :
- la faiblesse psychologique : la panique, le regret, l'entêtement, l'addiction…
- la faiblesse financière : le casino est toujours plus riche que le joueur, donc le joueur atteindra toujours la ruine plus vite que le casino.
Néanmoins leur profit serait inférieur, ce qui pourrait expliquer qu’ils aient à subir des période de perte, ce qui est inadmissible pour des entreprises qui doivent, chaque mois, financer leurs investissements et payer leur personnel. D'où la commission de 2,7%. N'oubliez jamais qu'au casino, c'est le joueur qui jongle avec le hasard. Le casino, lui, a un gain garanti de période en période.
Jusqu’ici, tout ce que j’ai écrit est assez conforme, j’avoue avec humilité ne rien avoir inventé d’autre que la réalité brute.
Mais alors, pourquoi ai-je eu l’idée saugrenue de publier ce mois-ci un livre intitulé 20 Systèmes pour gagner à la roulette ?
A la base de tout, il y a eu cette séance au casino de Forges-les-Eaux, un dimanche de 1986. Je terminais mon livre sur les jeux de casinos et j’observais, je testais aussi. Et j’ai vu une chose que peu de joueurs de roulette ont vu dans leur vie : une série de 15 numéros noirs consécutifs. A l’époque il s’agissait de tables de roulette dite « française », de grandes tables avec 3 croupiers : un bouleur et deux placeurs de mise. Par exemple, vous leur donniez 6 pièces en leur disant « Le tiers », et ils plaçaient vos mises sur le « tiers du cylindre », c’est-à-dire sur les chevaux 5/8, 10/11, 13/16, 23/24, 27/30 et 33/36. La roulette de cette époque fourmillait de formules plus ou moins ésotériques qui laissaient à penser qu'il recelait des techniques secrètes. Le dimanche après-midi à Forges, il y avait toujours beaucoup de monde, parce que la roulette n’était pas encore arrivée à Enghien (elle y est arrivée en 1998) et les joueurs de roulette sans voiture prenaient une navette entre Paris-porte Maillot et Forges.
Ce jour-là, j’ai assisté à ma première séance d’hystérie collective de joueurs de roulette. En gros à partir du 8e numéro noir consécutif, on s’est mis à murmurer et à braire autour de la table. D’autres joueurs se sont progressivement agglutinés autour de la table, les yeux de plus en plus exorbités. Les autres tables de roulette étaient désertées peu à peu. Un joueur s’est levé de la table en disant : « J’ai tout perdu ! Saleté de roulette ! » et il est sorti en fulminant. A chaque nouvelle boule, les joueurs retenaient leur souffle. Et pourtant, c’était encore Noir, toujours Noir qui sortait, infatigable, irréductible ! On avait l’impression que cette roulette n’était capable de sortir qu’une seule couleur, Noir, et que Rouge avait disparu du matériel. C’était hallucinant.
Que faisaient les joueurs qui s’acharnaient ? Ils chargeaient Rouge de plus en plus fort. Et perdaient de plus en plus. L’atmosphère était électrique. Peu à peu le brouhaha a laissé place à une forme de sidération, une sorte d’abattement. Les joueurs gagnaient la sortie les uns après les autres, écœurés, ratissés, vaincus, peut-être ruinés pour certains. Cette satanée roulette ne faisait plus que du Noir. Les croupiers, en professionnels, continuaient leur travail, ratissaient des monceaux de ces jetons et plaques perdants. Je me souviens de ce vieux croupier pas très loin de la retraite. Il avait sûrement vécu de longues séries de ce genre, plus longues sûrement, car un croupier produit plus d’un million et demi de numéros dans sa carrière. Il était impassible, et ratissait les jetons perdants avec la régularité d’un métronome.
Dans cette scène dantesque se trouvait un petit joueur d’âge indéterminé. Il était assis près du bout de la table, à gauche, et jouait Noir. Il devait jouer Noir systématiquement depuis des heures, peut-être des années, peut-être des décennies, et c’était aujourd’hui sa fête. Noir sortait ? Tant mieux, car il ne jouait QUE Noir. Son heure était enfin venue, après tant et tant de pertes ! Les jetons s’accumulaient devant lui, puis les plaques, en tas de plus en plus hauts. C’était impressionnant.
Mais c’était le seul. TOUS les autres, sans exception, jouaient autre chose que Noir : des douzaines, des colonnes, des sixains, des pleins, des chevaux, Rouge… mais PAS Noir. Et pourtant c’était Noir qui sortait, encore et encore.
Quand enfin un numéro rouge est sorti, mettant fin au supplice, il s’est passé deux choses. D’abord un grand soupir de soulagement, et le croupier qui compte toutes les mises sur Rouge et les paie une par une, ce qui faisait beaucoup. Ensuite le petit homme, « Mister Black », s’est levé et a appelé un valet pour l’aider à porter sa montagne de jetons à la caisse pour encaisser ses gains, sous des dizaines de regards envieux.
Je pourrais en raconter encore sur cette aventure, et sur d'autres aventures du même genre, mais ce ne serait pas utile. Pour moi qui étais féru de probabilités déjà à cette époque, je me suis rendu compte chez moi qu’une série de 15 noirs (ou 15 numéros d’une même chance simple) arrive une fois sur 49.424. Je n’ai pas trouvé cette fréquence si basse que cela. Notons que dans les permanences (relevés de boules) du casino de Baden (Autriche) d’août 2005, se trouve une série isolée de 15 numéros rouges, inattendue pour ces 31 jours de roulette qui ont rassemblé 9.917 boules. Caprice du hasard. J’ai appris par la littérature qu’une série de 38 rouges avait eu lieu à Monte-Carlo en 1941, et qui semble être un record. Celle-là est nettement plus costaud, puisqu’elle advient une fois sur… 779 milliards. On atteint l’échelle cosmique, au point de tomber dans la "trappe impossible" d'Émile Borel (quand une probabilité est extrêmement basse, elle se confond avec l'impossibilité car elle dépasse l'échelle humaine).
Pourquoi cette anecdote de Forges et de ses 15 numéros noirs ? Parce qu’alors j’ai compris que la variance n’était pas un vain mot à la roulette. J’ai repensé au petit homme qui est ressorti du casino avec peut-être le plus gros gain de sa vie, un « life-changing win », et je me suis demandé s’il suivait une méthode particulière. Ce n’est que bien des années plus tard, après avoir rassemblé et lu d’innombrables brochures sur le sujet, dont 95% étaient ineptes, que j’ai compris une chose :
Si vous subissez un gros écart à la roulette, et si vous suivez déjà un système de mise donné, selon la nature de ce système vous pouvez vous faire raser en peu de temps, ou au contraire faire sauter la banque, ou tout au moins faire grimper la mise à des sommets qui atteindront le plafond de la mise autorisée (car les casinos se préservent : il existe une limite, un plafond à la mise ; selon les endroits, c’est 500 ou 1.000 fois la mise de base).
De même, je pensais à tous ces joueurs de Forges en 1986 qui se sont vu ratisser parce qu’ils s’étaient entêtés à charger Rouge de plus en plus, croyant à une "compensation", mais perdant, reperdant et surperdant, rasés avant même la fin de la série de Noirs et quittant le casino avec un nœud à l’estomac. Eux exploitaient une mauvaise méthode, celle du rattrapage des pertes, qu’on appelle aussi « montante en perte » : si une série contraire arrive, au lieu d’alléger, ils augmentent les mises, dans le but ultime d’éponger leurs pertes, ce qui, on en conviendra, est tout sauf une mission enthousiasmante. Alors que le meilleur système consisterait à alléger les mises en période néfaste et à les alourdir en période faste, en réinvestissant une partie des gains, pour faire boule de neige quand une série favorable arrive : la montante en gain, vertueuse et auto-financée.
Après cette entrée en matière, on voit tout de suite que la roulette est certes un jeu de hasard pur, mais qu’on peut utiliser des manières de gérer ses mises qui ont des conséquences contraires devant les écarts de variance. Cette conclusion vient contredire ce qu’on pense a priori de la roulette, à savoir qu’on est tous égaux devant le hasard. C’est sans doute vrai pour la vie, faux à la roulette. On peut mal jouer à la roulette, quand par exemple on dispose de 10 mises et qu’on joue un seul numéro en plein qui a une chance sur 37 de sortir. Ce n’est pas raisonnable. Si on se donne une probabilité de perdre de 1%, la profondeur de la cave, quand on joue un numéro en plein par coup, devrait être de x = 168 pièces.*
D’une manière générale, de ce que j’ai pu voir à la roulette live et au blackjack, les joueurs ont des caves trop peu profondes. Au blackjack, l’expérience m’a appris que si vous jouez sur un spot, il vous faut au moins 30 pièces ; si vous jouez sur deux spots, au moins 60 pièces, etc. Si vous comptez les cartes, montez plutôt à 100 pièces par spot, voire plus, selon le système de comptage que vous utilisez.
A la roulette, c’est selon : j’ai choisi volontairement dans mon livre des systèmes avec des amplitudes variables. Le plus raisonnable exige 10 pièces (c’est le « Système hardi 10% », qui dure au maximum 11 coups d’affilée, et qui s’inspire des travaux des mathématiciens américains Dubins et Savage). Le plus dispendieux, 2.000 pièces (« Gestion financière de Sextius », qui s’étend sur 20 sessions). Les autres nécessitent une cave comprise entre 50 et 150 pièces – donc si vous jouez à 5€ la pièce, le budget requis est dans la fourchette de 250 à 750€ par session.
Maintenant à la question classique : « pourquoi publier des systèmes gagnants au lieu de les exploiter vous-même », j’apporte une large réponse dans le manuel, mais en résumé la voici : JAMAIS je ne prétendrai qu’un système est infaillible, parce qu’il existera toujours une variance d’une ampleur suffisante pour faire « sauter » un système quel qu’il soit. On rappelle que la variance dans le modèle dit « loi normale » applicable à la roulette, se mesure par l’expression npq, où n est le nombre de coups joués, p la probabilité de gagner et q la probabilité de perdre. Par exemple, pour 100 coups joués en chance simple, la variance vaut 24,98 (soit 100 x 0,4865 x 0,5135), et pour 1.000 coups elle vaut 249,82 (soit 1.000 x 0,4865 x 0,5135). Plus vous jouez, plus la dispersion des résultats est grande et plus vous rencontrez des séries de numéros atypiques.
Je le répète : quoi qu’on fasse, sur le long terme et d’un point de vue mathématique, on perd face à la roulette. Certes, vous perdrez la guerre, mais vous ne perdrez pas toutes les batailles, loin s'en faut. Sur un terme plus court, il est possible de générer de gros gains avec des systèmes de mise adaptés, qui s’envolent dès qu’une variance marquée apparaît. Par exemple, un système que j’ai pratiqué pendant deux décennies au blackjack sans comptage (avec mélangeur de cartes), le « Paroli masse arrière simple », se rapproche du « Jeu hardi » cher à Dubins et Savage, en ce sens que quand toute la table perd, vous êtes celui qui perd le moins, et quand toute la table gagne, vous êtes celui qui gagne le plus (ce que j’ai pu remarquer encore et encore). Je l’ai donc adapté à la roulette pour le livre.
Si vous l’utilisez et que votre pari sort 5 fois de suite, vous encaissez un gain net de 9 pièces ; s'il perd 5 fois de suite, vous décaissez 5 pièces. En moyenne, une série de 5 chances simples consécutives sort une fois tous les 37 coups pour une chance donnée (environ 1 heure de jeu), et on peut généraliser en disant que tous les 222 coups, en moyenne les 6 chances simples ont connu chacune une série de 5 coups consécutifs. Mais ce qui est fascinant avec ce système, c’est qu’il suffit d’ajouter une sortie favorable, ce qui ferait 6 sorties consécutives, et votre gain net passe de 9 à 14 pièces – alors que si c'est une série de 6 coups perdants, vous ne perdez que 6 pièces. Si cette série favorable se poursuit, les gains sont exponentiels : 20, 27, 35, 44 (pour une série de 10). C’est ce que j’entends par « effet de levier » : plus la série favorable s’allonge, plus vos gains augmentent, mais à un rythme de plus en plus fort (c’est le sens du mot « exponentiel »). Alors que si vous misez « à masse égale », c’est-à-dire 1 pièce par coup sans faillir, votre série de 10 va vous rapporter … 10 pièces. Avec un système sensible aux écarts de variance, votre série de 10 va vous rapporter 44 pièces nettes.
Voici le tableau des gains nets selon la durée de la série favorable/défavorable en pratiquant le système du « Paroli masse arrière simple » :
Pour prendre un exemple, si vous jouez Rouge et qu’il sort 7 numéros rouges d’affilée, avec ce système vous encaissez 20 mises nettes. Mais si c’est au contraire une série de 7 noirs d’affilée, vous ne perdez que 7 mises… pour deux séries qui ont exactement la même probabilité de se produire. Effet de levier : quand une série arrive, elle rapporte plus si elle est favorable que ce qu’elle coûte si elle défavorable. Et plus elle est longue, plus la différence entre les deux séries est forte, à l’avantage du joueur (principe exponentiel). Un joueur qui aurait pratiqué ce système lors de la série de 15 Noirs à Forges de 1986 aurait dégagé un gain net cumulé de 104 pièces. S’il avait joué Rouge, il aurait perdu 15 pièces. Miser de plus en plus haut en période faste et miser le minimum en période néfaste : voilà le secret de l’approche situationnelle que je prône.
Le point noir étant que ce système ne dégage un gain qu’à partir du 3e coup favorable, et un gain compensé qu’à partir du 4e coup favorable, où la série de 4 rapporte 5 pièces et où la même série, perdante, coûte 4 pièces (soit +1 pièce de différence), comme indiqué dans le tableau. C’est le sens de ma démarche : dès qu’une variance positive se dégage, l’effet de levier dégage un profit de plus en plus grand. Mais si la variance reste faible (comme par exemple une série alternée du type RNRNRN ou une série semi-alternée du type RRNNRRNNRRNN), le combat dégage une perte.
La plupart des « systémiers » classiques meurent de la variance car ils jouent des montantes en pertes ; avec mes systèmes, c’est le contraire, car ils prospèrent de plus en plus dès qu’une variance se déclare et devient tenace. Mais encore une fois, aucun système ne peut gagner sur le long terme du fait de la sous-rémunération du risque pris par le joueur. Les 20 systèmes que j’ai inventés, sélectionnés, bridés, ajustés pour mon livre visent à créer l’effet de levier plus ou moins fort avec un risque plus ou moins fort, comme dans les achats/ventes de valeurs mobilières en bourse. Si vous cherchez le risque minimum, c’est possible mais vous aurez un profit minimum. Si vous cherchez un profit plus fort, c’est possible mais vous courrez de plus grands risques. Mes systèmes tirent le plus grand profit d’une variance locale sur 10, 15, 20 boules consécutives, plus encore si le hasard le décide. C’est un avantage situationnel.
J’ai mis au point mes propres systèmes, mais pour ceux qui ont déjà quelques connaissances dans le domaine, j’ai aussi travaillé à partir de mes propres variantes du Jeu Hardi, de la montante d’Alembert, de la montante de Labouchère (américaine), de la plate par paliers, du paroli (qui consiste à laisser en jeu la mise et son gain pour faire boule de neige)… J’ai fait en sorte que la palette soit la plus large possible en matière de buy-in, pour m’adapter à tous les lecteurs et à différents styles de jeu. J’ai supprimé tout recours à des montantes en pertes, ineptes selon moi, les seules que j’aie retenues étant limitées par des mises plafond (stop loss) ou des gains plafond (stop win) pour ne jamais connaître de déconfiture financière.
Maintenant je le redis : ces systèmes ne sont pas à utiliser en permanence, puisqu'ils traquent la série atypique. C'est la grande différence avec un poker pratiqué avec un edge. Vous avez alors tout intérêt à jouer le plus longtemps possible, à faire du volume pour accumuler le profit, comme on le voit en jeu en ligne en multitable : en-dehors de certaines valeurs de variance qui traduisent la part du hasard, le gain final est assuré sur le long terme. A la roulette, ce ne sera jamais le cas, et ma recherche n'a visé qu'à définir des approches qui permettent de faire la différence sur des séries courtes à variance positive, et même certains systèmes fabriquent du gain en "tâche de fond" en cas de neutralité des tirages, voire en variance négative (ma méthode Labouchère bridée est gagnante si la série comporte plus de 33% de boules favorables, mais elle perd en-dessous de cette proportion). A la roulette, la moyenne vous tue car elle est négative, mais la variance locale peut vous sauver. La guerre est perdue d'avance, mais on peut encore gagner certaines batailles.
Pour terminer, ce qui m’a vraiment incité à franchir le pas et à sortir ce livre, c'est la masse considérable de vidéos de roulette sur Youtube, dont plus de la moitié vantent la montante de Hawks, qui est la pire des escroqueries puisque, mue par l'obsession du rattrapage des pertes, elle vous amène à un moment à miser 32 pièces pour n’en gagner qu’une seule… jusqu’à 1.024 pièces pour en gagner… toujours une seule ! Quand je vois des jeunes poster des vidéos en se faisant les chantres de cette montante qui n’est autre qu’une mort assurée, je vois tout le chemin qui reste à accomplir pour éduquer les apprentis joueurs de roulette avant qu’ils ne tombent dans le vide.
D’autres vidéos vont encore plus loin. Elles montrent des sessions de jeu gagnantes qui sont présentées comme habituelles et accréditent l’idée qu’une méthode donnée ne produit que des profits. Si on étudie d'un peu plus près ces vidéos, on s’aperçoit qu’elles ne produisent du profit que parce que le joueur a bénéficié d’une chance éhontée dans la session retenue. Où l’exemple sert de démonstration ! Inutile de préciser que ces vidéos sont bardées de liens d’affiliation pointant vers des casinos en ligne – qui sont interdits aux joueurs français, mais les VPN donnent la clé pour contourner la loi.
Sans compter ces casinos en ligne qui expliquent, sans rire, "comment gagner à la roulette" ! Franchement, est-ce qu'un joueur de poker donnerait la liste de ses points faibles à son adversaire de heads-up avant le match ? Il est vrai que, comme en politique, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.
Les brochures proposées sur Amazon ne sont pas en reste. On trouve par exemple, dans l’une d’elles, cette phrase qui laisse pantois : « Si un numéro ou une chance simple n’est jamais sorti depuis longtemps, il y a alors une plus forte probabilité qu’il sorte ». Elle date de 2016, et prouve que certains n’ont toujours pas compris que la roulette n’est qu’une machine et qu’à ce titre, elle n’a pas de mémoire – cf. ma série de 15 noirs à Forges en 1986.
En voici une autre, encore plus récente : « Nous savons que ce sont toujours les derniers numéros qui ressortent le plus ». Elle date de 2018 et mon lecteur la jugera à sa juste valeur. Si une phrase de ce genre figure dans un manuel de 80 pages et fait partie des grandes conclusions, comment jugez-vous le reste du livre et son auteur ?
Ces arnaques en série, doublées de cette incompréhension générale autour de la roulette, sont une constante depuis que la roulette existe, et je m’en étais déjà rendu compte quand je faisais mes recherches pour les éditions Hatier en 1986, et par la suite aussi. Ce sont autant de chausse-trappes tendues aux naïfs qui ont fini de me persuader de sortir mon livre sur la roulette. J’estime avoir un rôle utile à jouer de par mon expérience dans le domaine pour ouvrir les yeux de mes lecteurs et les rappeler à la réalité. Je ne m’en cache pas dans ma préface, où je rappelle les bases structurelles de la roulette, à commencer par la lutte inégale qu’elle impose face au joueur quel qu’il soit.
Si certains se trompent lourdement ou exploitent la naïveté des gens, il y a toujours eu une poignée d'auteurs pour dire le vrai. Par exemple, en 1875 (sic), de Sextius : « Toutes les attaques compliquées de figures ne sont que des utopies » (une figure étant une courte série particulière de boules, par exemple NRNRR). Un autre exemple, en 1993 : « Je ne voulais pas me comparer aux inventeurs de systèmes qui dissertent sur les martingales sans savoir ce qu’est l’écart médian, qui croient au mythe de la compensation, qui jouent les séries, les intermittences et les répétitions de certaines figures. » (Gil Day, La Roulette domptée.)
On l’a compris, mon livre ne se limite pas à son titre, il sert aussi à rétablir une vérité sur la roulette. Les 90 premières pages sont consacrées à la présentation théorique et au modèle mathématique sous-jacent. Les 140 autres sont la présentation et l’explication des 20 systèmes en détail. J’y ai inclus une approche de type pokéro-blackjackienne, quant à la gestion des objectifs ou la gestion du capital-jeu.
> En savoir plus sur mon livre consacré à la roulette
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A lire : Dubins, Lester E.; Savage, Leonard J. : Optimal Gambling Systems (1960)
* Les 168 pièces viennent avec cette équation : (36/37)^x = 0,01 où ^ signale l'exposant.
<=> x log(36/37) = log (0,01)
<=> x = log (0,01) / log (36/37)
<=> x = 4,6052 / 0,0274
<=> x= 168.
Je suggère à mes lecteurs qui s'intéressent aux mathématiques fondamentales du poker, et notamment à la théorie des jeux dans le poker, de lire l'incontournable Poker Maths Sup.