Je reviendrai à Vegas
Pour la première fois depuis 1970, les WSOP ont été annulées.
Et quand bien même, si elles avaient été maintenues par un directeur au cerveau trumpien, il n’y aurait pas eu l’ombre d’un joueur au Rio puisque la ville est confinée.
Las Vegas vide, c’est triste. Las Vegas grouillant de touristes, c’est déjà limit écoeurant – non les touristes, mais cette habitude continue d’en vouloir jusqu’à votre dernier dollar. A peine sorti de l’avion, le hall de l’aéroport vous offre ses machines à sous, et plus encore à ceux qui attendent leur vol et qui trouvent là de quoi tuer le temps et dépenser les derniers sous que la ville elle-même leur aura épargnés malgré elle.
Mais Las Vegas vide et déserte, c’est pire. Ils n’avaient pas prévu qu’un jour cela puisse arriver. Un casino à Vegas, une fois ouvert, ne ferme plus jamais. Il tourne 365/7/24. On n’a jamais dit qu’on faisait fortune à Vegas. Certains propriétaires de casino, oui. Mais chaque année, il est de casinos (parmi les indépendants) qui perdent de l’argent, certains même qui mettent le clé sous la porte à tourniquet et se font immédiatement racheter par un concurrent, sans fermer. On change juste la signalétique et the show goes on.
Las Vegas vide, c’est des milliers d’employés qui se réveillent au chômage, et de longues files de voiture à la soupe populaire. Vous aviez eu des yeux tous pour la femme de chambre ? Mais vous ignoriez que cette Betty, Sharon ou Melissa – comme l’indique son badge – émargeait pour un SMIC en bossant la nuit, avait trois enfants de moins de 10 ans et un mari alcoolique. Maintenant, on le sait. Derrière le vernis de Vegas se cache une misère sociale que les différentes crises ont révélée. Aux WSOP 2008, j’avais sillonné quelques rues autour du Strip, pour remarquer qu’un tiers de ces belles maisons américaines de plain-pied (on a de la place à Vegas) étaient à vendre, entre 80.000 et 150.000 dollars chacune, téléphonez à la banque Bidule pour info. Toutes négociables.
Un enfer qui guette de nouveau Las Vegas, car les serveurs, donneurs de cartes et tourneurs de roulettes, qui gagnaient plutôt bien leur vie notamment grâce aux pourboires des joueurs qui cassent (de temps à temps) la baraque, ont fait le grand saut depuis que tout a fermé : revenu mensuel dégringolé à zéro, pendant que les remboursements de crédits, eux, continuent de courir. La tornade ravage à nouveau Vegas, mettant à nu cette Amérique idyllique que peu d'entre nous, paradoxalement, voudraient vraiment habiter.
Las Vegas, ce grand parc d’attractions pour adultes qui s’était doté au fil des décennies de parcs d’attractions pour enfants, de salles de spectacle hollywoodiennes, d’une université parmi les meilleures et de centres de congrès devenus mythiques (cf. le C. E. S. en début d’année, où brille toujours le génie français), s’est vidée de son sang. Elle n’amuse plus personne, les discothèques se sont tues, les bravos sont devenus muets, les roulettes ont fini de tourner, le cliquetis incessants des jetons de salles de poker a disparu.
Pendant les WSOP, la température extérieure dépasse allègrement les 100°F. Vous entrez dans un casino, c’est une glacière. Vous en sortez, c’est un four. J’attrape toujours un rhume quand je vais à Vegas. Je dis « j’attrape » et non « j’attrapais ». Car je reviendrai à Vegas. J’avais déjà prévu de faire mon come-back dans "la ville qui ne dorMAIt jamais" pour les WSOP, pour deux tournois d’Omaha prévus le 10 et le 14 juin, respectivement à $1.000 et $1.500. Sur le site des WSOP, les épreuves sont reportées à l’automne, mais c’est de la folie douce. Une réouverture n’est possible que quand on aura trouvé un vaccin fiable, ce qui prend 12 à 18 mois au bas mot. Aux U.S., le Covid-19 devrait faire quelque chose comme 150.000 morts au final. Presque autant que la grippe espagnole en France, il y a un siècle. Et merci Mr. Trump pour vos efforts.
Mais Vegas rouvrira. Et, tel le Phénix, cette ville unique en son genre renaîtra de ses cendres. Et les serveuses légères et court vêtues que vous (messieurs) appréciiez tant seront de nouveau prêtes à satisfaire vos caprices — Coca, Schweppes, bourbon et cocktails en tout genre – avec, en bonus offert, leur sourire indéfectible.
(Merci à LD Pradelle pour ses informations.)