"Personnel !"
C'est toujours un plaisir de donner un bon pourboire à un donneur qui fait bien son travail : il donne vite et sans erreur, il reste souriant, il n'entre pas dans les polémiques et calcule correctement les side-pots.
Que ce soit en cash-games ou en tournoi, oui, je ne connais aucun joueur de Poker au monde pour refuser de donner un pourboire à un donneur méritant.
Cela dit, je voudrais m'insurger contre une habitude prise depuis la généralisation de le suppression des "fees".
De quoi s'agit-il ?
Pendant des années, les buy-ins des tournois se formulaient selon ce modèle : $100 + $10, par exemple. Ce qui signifiait :
- $100 versés à la dotation globale redistribuée aux concurrents;
- $10 versés à l'organisateur (c'est la "fee").
En général, les plus gros gagnants du tournoi faisaient don d'une partie de leur gain au personnel, environ 2% ou 3% selon les joueurs. Chose normale puisque le personnel est d'abord payé par les pourboires.
Or, depuis quelques années (à part aux USA notamment), la "fee" est remplacée par un prélèvement à la source effectuée sur la dotation. Par exemple, dans le Championnat du monde, 6% sont prélevés avant redistribution 'des $10.000 payés par le joueur, $9.400 seront redistribués). Cette part est répartie entre la maison et le personnel. Personne ne voit rien à redire à cette façon de calculer, moi le premier.
Mais une question demeure : y a-t-il toujours légitimité pour demander aux gagnants de bien vouloir "ne pas oublier" le personnel au moments où ils touchent leur prix ? Par exemple, dans le tournoi de l'ACF de dimanche dernier, un Hold'em no limit à 100 euros (le fameux tournoi mensuel du ClubPoker), le total des buy-ins était de 15.000 euros, et après retrait des 10% habituels, 13.500 restaient en distribution. Mais la maison précise bien que 6% vont au club et 4% vont au personnel. Ce qui n'a pas empêché, dès les places payées atteintes, une donneuse au demeurant charmante de nous annoncer que le personnel n'était payé que par les pourboires, incitant ainsi les 18 survivants à rétrocéder en caisse une partie de leur prix.
Qu'est-ce que cela signifie exactement ?
Que les 4% reversés au personnel ne lui suffisent pas pour être payé convenablement ? Ne vaut-il pas mieux alors que le personnel négocie un meilleur taux avec son employer plutôt que de ponctionner encore plus les joueurs ?
Que les donneurs n'en ont jamais assez, au point de demander aux gagnants de ponctionner leurs prix, déjà calculés sur une base dont on a préalablement soustrait leur salaire ? N'est-ce pas une façon de payer deux fois les donneurs ?
Je ne sais rien de la condition sociale d'un donneur. Je sais juste qu'ils font un métier fatigant, qu'il n'y a pas plus râleur qu'un joueur, et qu'en période de festival ils accumulent les heures. Mais en France, que je sache, ces métiers sont couverts par des conventions collectives,comme l'ont prouvé certaines grèves retentissantes, par exemple celle de Forges-les-Eaux fin 1985 qui n'est qu'un exemple.
Il n'y pas de honte à réclamer son dû. Mais je trouve qu'ici les choses ne sont pas claires : ou on reverse une partie des prix au personnel parce que cela sert à le payer convenablement, ou on demande aux joueurs de le faire en retenant à la source une part de leurs gains.
Mais les deux à la fois, je trouve que c'est fort de café.
Tant que l'industrie du jeu française n'aura pas fait les efforts nécessaires pour devenir aussi transparente que n'importe quelle autre, elle ne devra pas s'étonner d'être la cible des pires critiques.